Revenant au dessin et aux fondamentaux de ses débuts — à une époque où il privilégiait la gaudriole, le grand guignol et la liberté graphique, ce qui était notamment le cas dans le recueil intitulé « Nocturnes » —, Régis Loisel nous gratifie d’un étonnant et magnifique album, de très belle facture, aux éditions Rue de Sèvres : « La Dernière Maison juste avant la forêt », avec l’aide scénaristique de son ami Jean-Blaise Djian. Une histoire foisonnante — de 160 pages — située dans un univers loufoque, délirant, aux limites du fantastique, mais qui est remplie de bons sentiments, et où l’on retrouve tout l’amour pour l’humanité du cocréateur de « La Quête de l’oiseau du temps » ou de « Magasin général » !
Lire la suite...« Nathanaëlle » : variation déjantée sur le thème de l’homme du futur devenu immortel…
Dessinateur et scénariste catalogué auteur indépendant et dont le nom est, la plupart du temps, accolé à celui de son alter ego Philippe Dupuy – avec lequel il a partagé, en 2008, le Grand Prix de la ville d’Angoulême -, Charles Berberian débarque aujourd’hui sur un terrain où l’on ne l’attendait guère : une somptueuse fresque de science-fiction métaphorique, enluminée par le splendide trait hyperréaliste, en couleurs directes, de son ami Fred Beltran.
Ce n’est pourtant pas la première fois que le cocréateur de « Monsieur Jean » ou de « Boboland » se lance dans un récit d’anticipation. Ses « Cycloman » dessiné par Grégory Mardon (chez Cornélius, en 2002) et « Tombé du ciel » avec Christophe Gaultier (Futuropolis, 2011) avaient déjà démontré son attirance profonde pour cette littérature, mais ces deux tentatives restaient très (trop ?) proches, du moins dans la forme, du roman graphique : genre que ses fidèles lecteurs ont tendance à privilégier.
Avec « Nathanaëlle », même si on reste dans le pastiche, nous sommes, cependant, dans tout à fait autre chose ! Ne serait-ce qu’avec le style minutieux et élégant de Fred Beltran qui fait une nouvelle fois merveille avec ce parodique récit rétrofuturiste tendance steampunk. Ses illustrations tapent d’emblée dans l’œil du lecteur, lequel ne peut être qu’admiratif devant tant de talent graphique : les images de l’artiste semblant même beaucoup moins glacées que dans ses autres séries modernistes comme « Megalex » (1999-2008) ou « Les Technopères » (1998-2006) écrites par Alejandro Jodorowsky.
Manifestement, sa nouvelle collaboration avec Charles Berberian, fluide contre-utopie tragico-loufoque, fonctionne parfaitement : le scénariste nous dévoilant, dans sa préface à l’album, qu’« à l’intérieur, on a mis toutes les questions qui nous tarabustent, ce qui nous fait rire, ce qui nous chagrine, ce qui nous fait rêver, tout ça en 80 pages. Nous avons créé un monde. » Et croyez-nous sur parole : ça marche !
Dans un lointain futur, alors que sous terre vivent les survivants d’une prétendue apocalypse nucléaire qui aurait tout éradiqué, une élite décadente, vivant pourtant à la surface, a accès à une sorte d’immortalité : les plus riches pouvant réincarner leur âme dans d’autres corps humains. Les moins favorisés, eux, ne peuvent s’offrir que des enveloppes de robots. Ainsi, Melville n’est-il devenu qu’une compétitive machine à café ! Toutefois, une jeune femme élevée pour devenir la sauveuse de l’humanité par son gouvernant de père, va bousculer l’ordre établi et provoquer une gigantesque rébellion…
« Nathanaëlle » par Fred Beltran et Charles Berberian
Éditions Glénat (34,90 €) – ISBN : 978-2-344-01973-3














