Guy Lefranc est de retour, pour une aventure très lointaine, périlleuse et aux enjeux politiques : ce qui n’est pas la première fois. Naturellement, cette régate lui réserve de graves imprévus et, tout aussi certainement, le journaliste déploiera tout son courage et sa compétence pour sortir par le haut de la situation. Il se joint à Théa, une bonne amie — sans qu’une relation plus intime soit même suggérée — pour faire partie d’une des équipes concourant lors de cette course maritime autour du globe. Et le reportage qu’il en tirera sera destiné à son journal : Le Globe, justement. Pesant sur ce contexte, le père de Théa (Van Toor) est un homme d’affaires international qui vend du minerai et le fait convoyer en Indonésie. Tous les protagonistes vont converger vers cette zone sensible, indépendante depuis peu, et très convoitée. Un album d’une excellente équipe d’auteurs, à l’action soutenue, et à lire au premier degré.
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En s’inspirant du photographe Lewis Hine, connu pour ses reportages sur le travail des enfants dans l’Amérique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (ces clichés contribueront, d’ailleurs, à sensibiliser l’opinion publique sur ce problème social), Marc Malès a choisi de créer de toutes pièces un personnage fictif qui, en dépit de la noblesse de sa tâche et de sa juste révolte contre les injustices, se révèle être un homme déstabilisé qui peut être aussi odieux, alcoolique, violent et exploiteur dans ses relations avec les femmes : une façon détournée, pour ce remarquable, mais trop discret auteur de bandes dessinées, d’accomplir une sorte de thérapie et d’exorciser ses propres blessures…
Missionné par le National Child Labor Committee pour nourrir de preuves tangibles ses campagnes contre l’exploitation des enfants, Owen Brady devient le témoin officiel de leurs conditions difficiles, car il les photographie dans le contexte : prouvant que ces misérables souffrent en travaillant, même au-delà de ce que leur corps peut supporter.
C’est à eux que l’on confie les plus sales boulots, dans des conditions sanitaires et de sécurité déplorables qui provoquent nombre de décès accidentels : une horrible exploitation par les plus importants employeurs industriels du pays, et ceci souvent avec la complicité des parents.
Après avoir parcouru le pays pendant plus de quatre ans, dans le but de dévoiler ce scandale à la face du monde, le reporter photographe, qui a connu une jeunesse douloureuse en ayant été maltraité par son père, va finir par craquer nerveusement et essaiera de diluer son mal-être dans l’alcool ou dans les maisons closes.
Voilà un récit très dur, mais aussi très visuel : sa narration, aussi dense que fluide, voire quasi cinématographique, étant mise en valeur par une couleur sépia (technique dite de « l’huile à l’eau ») qui se rapproche du résultat obtenu par les photos de l’époque. Quant à l’impeccable et raffiné dessin de cet auteur de tant de chefs-d’œuvre trop méconnus (« L’Autre laideur, l’autre folie », « Les Révoltés », « Katharine Cornwell »…), il colle à merveille à la rigueur de cette œuvre aussi personnelle que bouleversante, présentée dans un somptueux album au format à l’italienne.
Gilles RATIER
« Mettez des mots sur votre colère » par Marc Malès
Éditions Glénat (25,50 €) – ISBN : 978-2-7234-9433-5