Revenant au dessin et aux fondamentaux de ses débuts — à une époque où il privilégiait la gaudriole, le grand guignol et la liberté graphique, ce qui était notamment le cas dans le recueil intitulé « Nocturnes » —, Régis Loisel nous gratifie d’un étonnant et magnifique album, de très belle facture, aux éditions Rue de Sèvres : « La Dernière Maison juste avant la forêt », avec l’aide scénaristique de son ami Jean-Blaise Djian. Une histoire foisonnante — de 160 pages — située dans un univers loufoque, délirant, aux limites du fantastique, mais qui est remplie de bons sentiments, et où l’on retrouve tout l’amour pour l’humanité du cocréateur de « La Quête de l’oiseau du temps » ou de « Magasin général » !
Lire la suite...« Macaroni ! » par Thomas Campi et Vincent Zabus
« À notre arrivée en Belgique, mes parents et moi avons vécu trois ans « à l’écart », au purgatoire si j’ose dire, dans une cité de baraques en bois, au toit en tôles ondulées, à un jet de pierre de la mine où trimaient mon père et ses amis immigrés. Ils ont broyé du noir, au sens propre et sale. Le charbon était partout. Il noircissait le ciel, le vert des arbres, les prairies, les nuages, les mineurs, leur femme, leurs enfants, leurs repas, et sans doute leur esprit »…
C’est ce qu’explique le chanteur Adamo dans sa préface aussi personnelle qu’intéressante, lui qui a bien connu le surnom de « Macaroni » de la part des « Patate frite », car en ce temps-là, ces migrants si désirés avaient droit à un surnom (« un quolibet familier, pas un drame », dit Adamo) et à une tolérance. On avait besoin d’eux et ils avaient besoin de nous ! Le monde était bien fait, alors…
C’était le cas du « vieux chiant », le grand-père qui est au cœur de cet album et que son petit-fils Roméo n’apprécie guère. Il vit seul, ronchonne, bref ne se montre pas d’une compagnie très agréable pour un gamin de 10 ans. Pourtant, son père le laisse une semaine chez lui pour régler une affaire, une semaine où le petit Roméo va découvrir ce que cachent les silences, et peu à peu, au fil des bribes de conversations, le pourquoi des silences.
Entre des mots d’italien et des aveux concernant le passé, le vieil immigré esquisse sa trajectoire de travailleur, son isolement aussi car la famille est restée au pays. Sa femme Giulia fait partie de ces fantômes qui peuplent à présent ses journées et dansent autour de lui, sombres, inquiétants, les restes d’un monde qui ne lui a pas apporté le bonheur qu’il escomptait. La peine qui le plombe rend le récit émouvant…
Graphiquement, sur les 130 pages qui prennent le temps de montrer, avec tout au plus six images par planche, le dessin se fait coloré, méditerranéen, loin des grisailles supposées de la Belgique charbonneuse. Et les mots viennent, parcimonieusement, comme les secrets qui se dévident finalement, douloureusement, inévitablement.
Alors bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
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« Macaroni ! » par Thomas Campi et Vincent Zabus
Éditions Dupuis (24 €) – ISBN : 978-2-8001-1636-4










