À sa sortie de prison, en 1970, Chuck ne pense qu’à récupérer son butin, qu’il a caché à Dry Creek : une ville fantôme du Colorado… Il y retourne avec sa complice et amante de l’époque : Kat. Là-bas, ils butent sur un vieux chercheur d’or. Ce dernier n’a pas volé leur trésor, mais leur apprend que deux individus les ont précédés : un grand blond et un Indien. Chuck va devoir retrouver leur trace, et l’affrontement sera inévitable. Avec Chuck et Kat, on voyage à travers les paysages américains éternels — comme figés — des westerns. De belles images, au service d’une intrigue forte,faite de chasse à l’homme, d’appât du gain et de trahison.
Lire la suite...« Les Filles de Salem » par Thomas Gilbert

Au XVIIe siècle, la colonie puritaine de Salem Village (Massachussetts) vit ses derniers jours de tranquillité : Abigail Hobbs, quatorze ans, nous narre les affres de celles qui seront qualifiées de sorcières, des jeunes femmes toutes victimes d’un obscurantisme et de haines incontrôlables. En 200 pages, Thomas Gilbert replonge dans un des faits historiques les plus célèbres et les plus morbides de tous les temps, livrant un véritable chef-d’œuvre horrifique sans concessions sur l’âme humaine. Un ouvrage qui hantera longtemps le lecteur, en résonance avec la remise en cause du rapport entre les sexes agitant la société actuelle…
Nous vous le disions la semaine passée : la rentrée est rude pour le porte-monnaie des amateurs de bandes dessinées, avec des albums d’une qualité et d’une densité impressionnante (citons ici « Charlotte impératrice T1 », « L’Âge d’or » ou « Moi ce que j’aime, c’est les monstres »). En se confrontant aux mythiques – mais authentiques ! – sorcières de Salem, Thomas Gilbert (connu pour « Bjorn le Morphir » depuis 2009) ne pouvait guère faire l’économie d’un scénario long, détaillé et riche en personnages ou rebondissements haletants. Commençons par résumer l’affaire : le récit se déroule à Salem Village, une bourgade fondée en 1636 et située à huit kilomètres au nord-ouest de Salem, ville où auront lieu en 1692 les interrogatoires des victimes et des accusateurs. L’affaire dite des sorcières de Salem est déclenchée par l’attitude jugée curieuse d’Abigail Williams et de ses amies, qui semblent subitement parler une langue inconnue et procéder à des rites étranges assimilés aux sabbats. La communauté, alors assiégée par les Amérindiens et dépourvue de véritable commandement, s’en remet au bon vouloir du révérend Samuel Parris. Lequel, en guise de crise de foi hystérique, a tôt fait de désigner les coupables maudites, devenues les boucs émissaires des maux dont souffrent la communauté : les arrestations et les accusations pleuvent sur près de 80 personnes (l’une n’ayant que 4 ans !) placés en geôles et qui attendent dès lors un procès digne de ce nom…

La salle d'audience (illustration de 1876 ; William A. Crafts : "Vol. I Boston" - Samuel Walker & Company)

Affiche du film "Les Sorcières de Salem" (Raymond Rouleau, 1956) avec Simone Signoret, Yves Montand et Mylène Demongeot, adaptant la pièce d'Arthur Miller.
À l’été 1692, après l’instauration d’une cour juridictionnelle par le gouverneur William Phips, une vingtaine de victimes est finalement pendue. Seuls celles ou ceux qui ont plaidé coupables et dénoncés d’autres suspects ont évité l’exécution capitale. Trois autres femmes et un nourrisson décéderont en prison. Après avoir fait de vaines excuses publiques en 1694, le révérend Samuel Parris quitta Salem Village trois ans plus tard, sans être beaucoup plus inquiété. Aussi silencieuse que retentissante, l’affaire aura quant à elle un impact très profond, contribuant à réduire l’influence de la foi puritaine sur le gouvernement de Nouvelle-Angleterre ; indirectement, elle conduira aux principes fondateurs des États-Unis.
Le franchissement illustré en couverture, s’il reprend un motif connu (le pont-arbre digne des récits aventureux ou fantastiques comme « Le Monde perdu »), connote une prise de risques : quatre jeunes filles aux personnalités diverses s’en reviennent vers l’état de nature, tout en désirant s’émanciper des lois (masculines, civiques, morales et religieuses) en vigueur. La ville est absente du décor, tout comme l’autorité des adultes : pourtant, le risque sourd est amplement connoté, à la fois par le vide sous-jacent et par le sous-titre « Comment nous avons condamné nos enfants », qui suggère autant le poids de la justice que le regard inquisiteur… et accusateur. Les pages de Thomas Gilbert sont emplies de dos courbés, de regards soupçonneux, de paroles cruelles, de violences et de châtiments indignes de la personne humaine. Avec talent, divisé en chapitres d’intensité croissante, l’album en dit ainsi sans doute beaucoup plus sur les dérives du fanatisme que bien des discours politiques.
Philippe TOMBLAINE
« Les Filles de Salem » par Thomas Gilbert
Éditions Dargaud (22,00 €) – ISBN : 978-2205077025