Une ZAC (zone d’activité commerciale) doit voir le jour dans le champ jouxtant les biens immobiliers d’une famille désargentée issue de la vieille noblesse : les Valence de Terney d’Argence… Après avoir épuisé tous les recours possibles, ces propriétaires terriens sans le sou vont sceller un accord improbable avec un groupe de militants écologistes radicaux, venus d’un peu partout en France, et créer une ZAD (zone à défendre, à l’instar de Notre-Dame-des-Landes) pour sauver ce territoire… Des nobliaux montant les barricades pour contrer les charges de CRS : voilà qui est à la fois croquignolesque et rocambolesque ! Philippe Pelaez nous a concocté, ici, une savoureuse comédie satirique décalée, doublée d’une véritable critique sociale ; le tout illuminé par le trait enlevé de Gaël Séjourné…
Lire la suite...Le petit théâtre de Matsumoto Taiyō…

L’édition 2019 du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a honoré Matsumoto Taiyō d’une superbe exposition retraçant toute sa carrière à l’aide d’originaux qu’il a lui-même fournis. En plus d’un catalogue et de rééditions multiples, les éditions Kana ont également édité pour l’occasion, un superbe roman graphique, rare titre restant à publier en français de l’auteur. Quasiment toute l’oeuvre de cet artiste japonais est donc maintenant parue en français.
« Éveil » n’est pas un livre comme les autres dans la bibliographie de Matsumoto Taiyō. Comme l’explique la postface, c’est un manga qui « a été initialement créé pour servir de scénario à la pièce jouée au printemps 1998 par la troupe théâtrale Kuro Tento ». La version reliée qui a été vendue aux lecteurs a néanmoins été remaniée, complétée et agrémentée de dessins supplémentaires lors de sa parution initiale en japonais.
La présente édition française diverge de la version japonaise en de nombreux points. En premier, cela sautera aux yeux des amateurs de mangas qui ne sauront pas où le placer dans leur collection, son format rappelle plus les bandes dessinées franco-belges avec sa couverture cartonnée et ses quatre-vingt-dix pages. De plus, les planches ont été retournées pour que l’ouvrage soit lisible dans le sens européen. Cette modification a bien évidemment été réalisée en collaboration avec l’auteur et cela ne nuit aucunement aux propos du livre. Enfin, la superbe jaquette couleur est ornée d’une illustration inédite, spécialement réalisée pour le marché français par Matsumoto Taiyō et mise en couleur en collaboration avec son épouse. Les puristes pourront néanmoins découvrir l’illustration originale qu’arborait l’édition japonaise de l’ouvrage sous la jaquette. Celle-ci n’est d’ailleurs pas l’oeuvre du maître, mais celle de Kaiga Hirano, la directrice artistique de la pièce de théâtre.
Comme à son habitude, le dessin de Matsumoto Taiyō change pour cet ouvrage. Le trait est charbonneux, la plume rugueuse. Chaque planche se rapprocherait presque d’un rendu de gravures sur linoléum. Les noirs sont profonds et envahissent quasiment chaque case. Le lecteur peut s’enfoncer dans son fauteuil et se croire au théâtre, plonger dans la pénombre. Au fil des pages, une multitude d’acteurs s’agitent sur la scène, rien que pour lui. Les quatre pages du repas à table forment un huis clos caractéristique de la discipline et retranscrivent parfaitement l’ambiance théâtrale de cette scène. Formées de 16 cases en longueur, toutes prises du même point de vue, elles fonctionnent parfaitement grâce aux dialogues, à la gestuelle des protagonistes et aux éléments arrivant face aux convives et disparaissant au fil des cases. À noter que Matsumoto Taiyō ne s’est pas facilité la tâche en redessinant à chaque fois la séquence complète. Hachurant méticuleusement les fonds, l’auteur se refusant à placer des trames mécaniques comme utilisent habituellement les mangas.
Réalisée il y a maintenant plus de vingt ans, cette bande dessinée se révèle être intemporelle avec cette mise en forme moderne et sa couverture réactualisée. L’excellent travail de l’éditeur français y est pour beaucoup. Les fans du mangaka ayant répondu présent en dévalisant les stocks mis à leur disposition sur le stand de Kana ainsi que la boutique de l’exposition durant les quatre jours du festival d’Angoulême. Œuvre d’art à part entière, voilà un livre qui, bien évidemment, plaira aux amateurs de manga iconoclastes, mais également au lecteur francophone de roman graphique ou au passionné d’art théâtral qui y découvriront assurément quelque chose de novateur.
Gwenaël JACQUET
« Éveil » par Matsumoto Taiyō
Éditions Kana (18 €) – ISBN : 9782505075424
Merci pour cet article.
Quelques menues précisions.
« …dans la bibliographie » et non « dans la biographique ».
Le format initial japonais était presque identique à celui de la présente édition française.
Merci beaucoup de votre vigilance. J’ai corrigé cette coquille. Surtout que « biographique » n’avait aucun sens ici.