« Champignac » met à l’honneur l’un des personnages les plus généreux et des plus attachants de la galaxie « Spirou », en dévoilant son passé dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, avant qu’il rencontre le héros donnant son titre au journal des éditions Dupuis. Outre le fait de divertir efficacement, le but de cette série dérivée est de vulgariser des sujets scientifiques et sociologiques pour toucher les jeunes lecteurs. Dans cet encore très réussi tome 4, où un Pacôme irritable et dépressif croise d’éminents confrères de l’époque (Einstein, Feynman ou Oppenheimer, récemment mis en lumière avec le film de Christopher Nolan), les Béka et David Etien abordent, avec authenticité et psychologie, le problème de la fabrication de la bombe atomique, à laquelle notre original mycologue va inconsciemment contribuer…
Lire la suite...« Fante Bukowski : l’échec était parfait »

Noah Van Sciver, auteur né en 1984 dans le New Jersey et vivant aujourd’hui dans l’Ohio à Colombus, publie des comics alternatif depuis 2006. Il a été très remarqué et primé pour 2 romans graphiques publiés par Fantagraphics (« Hypo » 2012 et « Fante Bukowski » depuis 2016), et conclut avec ce troisième tome français l’histoire de Kelly Perkins, alias Fante Bukowski, loser magnifique prenant ses rêves d’écriture pour une réalité. Une apothéose toujours aussi bien sentie, et très drôle, même si désespérément sinistre. Un auteur à suivre, assurément.
Fante Bukowski profite de l’aide de son amie prostituée pour grappiller quelques articles élogieux dans les journaux locaux, et dégotte de manière inespérée un contrat à force de persuasion. Certes, celui-ci est un boulot alimentaire, et sensé être une hagiographie de la starlette pour ados Royella, mais quand-même…
Pendant ce temps, son père fait un AVC et le poète « maudit » se décide à rentrer à Denver pour le voir. Est-ce que quelque chose aurait mûrit chez lui ?
On rigole beaucoup dans ce petit bouquin format poche, parfait pour les voyages. Noah Van Sciver dépeint une vie de loser dans les rues de Columbus avec tellement de parodie et de bons gags, que les situations semblent toutes tirées de vécu.Comment décrire les relations qu’entretient Kelly avec ses trois…ratons laveurs dans son grenier, celle avec son « co locataire » et son propriétaire dans ce une pièce pourri qu’il ne paie jamais, ou bien encore les happenings improbables de sa nouvelle amie Norma Lee (alias Gambino), qui veut fêter la fin de sa carrière d’artiste en « femme gâteau », mais rien ne se passe comme prévu…
Les reparties fusent, avec une acuité rare, façon Tac o Tac, nous laissant sonné. Dans le rade ou Fante retrouve régulièrement un gars paumé comme lui, déguisé en Batman du pauvre (ou en Spider-man, « parce que Batman a atteint les limites de la loi dans ce bar » dit-il), le comptoir récolte les apitoiements ou paroles d’espérance, tandis qu’à la convention de Fanzine, ou Noah Van Sciver s’auto parodie en se représentant en chantre du roman graphique), aux côtés d’un John Porcelino (ami dans la vie), complètement hébété, genre zombie, Fante Bukowski essaie de placer ses fanzines véreux avec un écriteau «vu dans les journaux » posé en évidence.
Le dessin de Noah Van Sciver, posé rapidement, façon Boulet, David Mourier voire Trondheim, et légèrement aquarellé, est dynamique et suffit dans son réalisme « gros nez » à dépeindre les situations humoristique ou grotesques présentées. L’humour fait mouche et l’essentiel est là.
On l’a compris, on rigole beaucoup dans Fante Bukowski, même s’il se dégage bien sûr de ce parcours de vie miséreux, une douce mélancolie et une vision tragique de la société américaine contemporaine. Tous les protagonistes, proches de Kelly, aussi pauvres soient-ils socialement parlant, se serrent les coudes et se donnent de l’amitié, dernier rempart contre l’oubli et l’abandon ultime. (« Il est parfois préférable d’avoir une figure paternelle contre laquelle vous pouvez vous rebeller. Plutôt que rien du tout, qu’un trou noir ou une absence. » Jean Michel Jarre). Une des citations parmi les plus improbables jalonnant le livre).
À la fin, et le dernier film de Clint Eastwood actuellement sur les écrans « La Mule » lui fait étrangement écho, le rapprochement familial, pour peu qu’il apporte, redonne du sens à la vie de l’artiste raté.
…Et si l’échec n’était pas si parfait ? Et si Noah Van Sciver gagnait à être davantage connu en France ? Il fait en tous cas partie ce cette « nouvelle école américaine », avec laquelle il faut compter, et que des éditeurs comme l’Employé du moi, Ca et là, 2024, Presque lune ou Misma, pour n’en citer que quelques uns, mettent en lumière. Lisons-les !
Un must du comics indépendant et alternatif américain.
Franck GUIGUE
« Fante Bukowski T3 : l’échec était parfait » par Noah Van Sciver
Éditions L’Employé du moi (16€) – ISBN 978-2-390040-45-3
Merci pour cet éclairage superbe sur ce tome 3 que j’attends depuis quelques mois déjà…
Bonjour. Je viens de me rendre compte, mais un peu tard, en avançant dans ma lecture eu dernier numéro de la revue conséquente « Pandora » (Casterman), paru cet été, que Noah Van Sciver avait une histoire de dix pages ! « The Hypo » (datée 2017, tarduite par Jean Paul Jennequin) racontent sa vie d’auteur et ses aventures dans la vraie vie, liées à son ouvrage « Hypo » paru quelques temps plus tôt. Succulent.
Dont acte