Passionné par l’Histoire et ses faits méconnus, l’humaniste responsable de « La Vision de Bacchus », de « Florida » ou des « Illuminés » s’est acoquiné avec un très sérieux historien (Romain Bertrand, directeur de recherche au Centre d’études et de recherches internationales), afin que l’on entende la parole des Nahuas du Mexique colonial. Pour ce faire, dans cette très réussie démarche expérimentale d’écriture à quatre mains, les deux auteurs nous racontent la vie, après l’invasion espagnole, d’un prêtre franciscain qui, aidé par un Indien converti, a consacré un demi-siècle à l’établissement du Codex de Florence : quasiment 2 500 pages — et autant de dessins — pour préserver la souvenance du peuple aztèque promise à l’anéantissement.
Lire la suite...Voyage en enfer…

Bobby Sands, ce nom est définitivement associé à la lutte acharnée que se sont menée Catholiques et Protestants en Irlande du Nord, une lutte religieuse et politique. Bobby Sands, nationaliste et membre de l’IRA (l’armée républicaine irlandaise) et ses sympathisants s’y sont illustrés de façon dramatique pour défendre leurs libertés, celles du peuple irlandais dans un combat sans merci, un combat mortel, évoqué par Stéphane Heurteau dans « Long Kesh »…
Heurteau a voulu raconter les 5 années d’emprisonnement de cet homme et l’horreur qu’il a connue dans la prison de Maze, en Irlande du Nord, puisqu’il est mort à l’issue d’une grève de la faim de 66 jours. Bobby Sands, né dans une Irlande du nord à majorité protestante et sous tutelle anglaise depuis 1921, comme tous les catholiques irlandais vivait très mal cette partition et la « colonisation » britannique. Cela aboutit à des affrontements violents et sanglants, dont le Bloody Sunday est le marqueur irréversible en 1972.
Sands rejoint l’IRA cette année-là, fait de la prison en 76 pour possession d’armes, en ressort plus déterminé que jamais, mais pas pour longtemps. Condamné à 14 ans de prison, il retourne en prison en 1977. Pour raconter cette guerre anglo-irlandaise impitoyable, Heurteau choisit d’évoquer le séjour des « terroristes » irlandais dans la prison de Long Kesh où la terreur est incontestablement du côté des geôliers. Alors qu’on leur refuse désormais le statut de prisonnier politique, l’administration pénitentiaire anglaise, par le biais de gardiens sans état d’âme, va en effet leur faire connaitre l’enfer.
Sands y subit des humiliations et des violences qui le pousseront, lui et ses co-détenus, à imaginer des actions de plus en plus fortes pouvant faire parler d’eux. De la grève des vêtements aux cellules maculées d’excréments, l’énergie et leur inventivité est inépuisable. Pourtant, brimades et tortures deviennent leur lot quotidien, mais rien ne les arrête. Rien, pas même le risque de mourir pour leurs idées…
Parfaitement documenté, l’album de Stéphane Heurteau est également remarquable par la narration. Impossible d’arrêter la lecture, impossible de ne pas souffrir avec les prisonniers, impossible de ne pas être écœuré par l’intolérance du système pénitentiaire, même si les luttes fratricides pour des raisons religieuses restent la pire des choses tant sont vaines les guerres qu’elles provoquent.
Heurteau dans un graphisme sec et soigné, jouant habilement du noir et des ombres, parvient à animer ce huis-clos intense et poignant. Sam Millar, qui fut prisonnier à Maze, souligne en avant-propos cette gageure parfaitement maitrisée. A noter que l’auteur a publié le making-of de cet album : 320 pages réunissant le scénario, les recherches de personnages et les crayonnés, le tout complété des raisons qui ont mené l’auteur à réaliser cet album (25 €), très loin de « Phare Ouest » ou du « Prince de l’Ennui » chroniqués ici-même.
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Long Kesh » par Stéphane Heurteau
Editions du Long Bec (20 €) – ISBN : 9782379380303