Un premier voyage dans les Terres australes et antarctiques françaises — retranscrit dans le très bel ouvrage « Voyages aux îles de la Désolation » — n’a pas rassasié le dessinateur Emmanuel Lepage (1) : 12 ans après, en 2022, il embarque à nouveau pour les îles Kerguelen. N’ayant pas pu, lors de sa première excursion, vivre au plus près le quotidien de tous ceux qui travaillent sur cet archipel au relief montagneux d’origine volcanique, situé au sud de l’océan Indien, il y reste cette fois-ci deux mois et demi : s’attachant donc plus aux personnes qui partent avec lui, tout en montrant les changements déjà à l’œuvre sur la nature, en raison du réchauffement climatique. Du beau, écologique et humaniste, voire quasiment poétique, récit de voyage en BD !
Lire la suite...Voyage en enfer…
							Bobby Sands, ce nom est définitivement associé à la lutte acharnée que se sont menée Catholiques et Protestants en Irlande du Nord, une lutte religieuse et politique. Bobby Sands, nationaliste et membre de l’IRA (l’armée républicaine irlandaise) et ses sympathisants s’y sont illustrés de façon dramatique pour défendre leurs libertés, celles du peuple irlandais dans un combat sans merci, un combat mortel, évoqué par Stéphane Heurteau dans « Long Kesh »…
Heurteau a voulu raconter les 5 années d’emprisonnement de cet homme et l’horreur qu’il a connue dans la prison de Maze, en Irlande du Nord, puisqu’il est mort à l’issue d’une grève de la faim de 66 jours. Bobby Sands, né dans une Irlande du nord à majorité protestante et sous tutelle anglaise depuis 1921, comme tous les catholiques irlandais vivait très mal cette partition et la « colonisation » britannique. Cela aboutit à des affrontements violents et sanglants, dont le Bloody Sunday est le marqueur irréversible en 1972.
Sands rejoint l’IRA cette année-là, fait de la prison en 76 pour possession d’armes, en ressort plus déterminé que jamais, mais pas pour longtemps. Condamné à 14 ans de prison, il retourne en prison en 1977. Pour raconter cette guerre anglo-irlandaise impitoyable, Heurteau choisit d’évoquer le séjour des « terroristes » irlandais dans la prison de Long Kesh où la terreur est incontestablement du côté des geôliers. Alors qu’on leur refuse désormais le statut de prisonnier politique, l’administration pénitentiaire anglaise, par le biais de gardiens sans état d’âme, va en effet leur faire connaitre l’enfer.
Sands y subit des humiliations et des violences qui le pousseront, lui et ses co-détenus, à imaginer des actions de plus en plus fortes pouvant faire parler d’eux. De la grève des vêtements aux cellules maculées d’excréments, l’énergie et leur inventivité est inépuisable. Pourtant, brimades et tortures deviennent leur lot quotidien, mais rien ne les arrête. Rien, pas même le risque de mourir pour leurs idées…
Parfaitement documenté, l’album de Stéphane Heurteau est également remarquable par la narration. Impossible d’arrêter la lecture, impossible de ne pas souffrir avec les prisonniers, impossible de ne pas être écœuré par l’intolérance du système pénitentiaire, même si les luttes fratricides pour des raisons religieuses restent la pire des choses tant sont vaines les guerres qu’elles provoquent.
Heurteau dans un graphisme sec et soigné, jouant habilement du noir et des ombres, parvient à animer ce huis-clos intense et poignant. Sam Millar, qui fut prisonnier à Maze, souligne en avant-propos cette gageure parfaitement maitrisée. A noter que l’auteur a publié le making-of de cet album : 320 pages réunissant le scénario, les recherches de personnages et les crayonnés, le tout complété des raisons qui ont mené l’auteur à réaliser cet album (25 €), très loin de « Phare Ouest » ou du « Prince de l’Ennui » chroniqués ici-même.
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Long Kesh » par Stéphane Heurteau
Editions du Long Bec (20 €) – ISBN : 9782379380303











