Guy Lefranc est de retour, pour une aventure très lointaine, périlleuse et aux enjeux politiques : ce qui n’est pas la première fois. Naturellement, cette régate lui réserve de graves imprévus et, tout aussi certainement, le journaliste déploiera tout son courage et sa compétence pour sortir par le haut de la situation. Il se joint à Théa, une bonne amie — sans qu’une relation plus intime soit même suggérée — pour faire partie d’une des équipes concourant lors de cette course maritime autour du globe. Et le reportage qu’il en tirera sera destiné à son journal : Le Globe, justement. Pesant sur ce contexte, le père de Théa (Van Toor) est un homme d’affaires international qui vend du minerai et le fait convoyer en Indonésie. Tous les protagonistes vont converger vers cette zone sensible, indépendante depuis peu, et très convoitée. Un album d’une excellente équipe d’auteurs, à l’action soutenue, et à lire au premier degré.
Lire la suite...Retour sur le monde des illustrés américains du Golden Age avec « Fredric, William et l’Amazone » !

Avec « Fredric, William et l’Amazone », le label Comix Buro des éditions Glénat publie une bande dessinée passionnante, retraçant les destins croisés de William Marston et Fredric Wertham : deux personnalités influentes de l’univers des comic books des années 1940-1950. Retour sur le monde des illustrés américains du Golden Age…
Tous les deux étaient psychologues. William Marston a imaginé l’héroïne Wonder Woman pour les petites filles chez l’éditeur DC et Fredric Wertham s’est battu contre les Crime Comics qu’il pensait responsables de la délinquance juvénile…
Tout d’abord, on ne peut qu’admirer l’évocation de l’époque : la restitution de l’Amérique des années 1930-1950 et du monde de l’édition est formidablement rendue.
Cela passe par les rues de New York d’après la crise financière, un kiosque à journaux dont les revues (les pulps, les comic books) éveilleront chez les amateurs des souvenirs mémorables.
Il y a également les grandes affaires ayant secoué le pays, telle celle du tueur en série Albert Fish : un assassin d’enfants dont s’occupait Wertham.
Le scénario très documenté de Jean-Marc Lainé reste pédagogique et ne perd jamais son lecteur.
La direction des personnages est remarquable : on suit avec intérêt les pas de ces deux personnalités si différentes à des moments clés de leurs existences. Quant au dessin de Thierry Olivier, il évoque par sa précision et ses lavis les graphic novels de Charles Burns. La naïveté volontaire du trait rappelle l’élégant design des pages de H.G Peter (le dessinateur de « Wonder Woman »), sans pour autant renier ses attaches aux EC comics et aux Warren magazines. C’est donc très beau.
On pourra peut-être regretter que les destins hors du commun de Marston et Wertham ne fassent que se croiser, conférant in fine un sentiment de rupture à la lecture. Peut-être est-ce par prudence ? Car, finalement, malgré le titre, l’Amazone Wonder Woman ne réunit pas les deux psychologues dans cet album. Et c’est dommage, car Wertham a bien évoqué l’héroïne dans ses écrits, la qualifiant de lesbienne S&M et démontrant ainsi sa nocivité pour les jeunes lectrices.
Au-delà de son jugement d’un autre âge, c’est l’opposition entre les personnalités des deux hommes qui aurait pu être plus développée : Wertham avait une réputation d’ascète psychorigide et Marston était un épicurien transgressif, vivant en trio avec sa femme et leur maîtresse.
Une rencontre, même imaginaire, entre ces deux archétypes que tout opposait aurait plus clairement défini le propos. Mais il est difficile de toucher à des licences (surtout depuis que « Wonder Woman » est à l’affiche de blockbusters) et l’on comprend la prudence des auteurs et de l’éditeur.
Reste donc une évocation formidable — avec des discontinuités — d’une époque passionnante rendue avec la passion de ses deux auteurs.
Jean DEPELLEY
« Fredric, William et l’Amazone » par Thierry Olivier et Jean-Marc Lainé
Éditions Glénat-Comix Buro (19,95 €) – ISBN 978-2-344-03391-3/001
Je salue Jean dont l’érudition est magnifique. Mais s’il avait fallu comparer le dessin de Thierry Olivier, j’aurais plutôt évoqué Paul Kirchner et son approche architecturale du dessin que Charles Burns et ses contrastes organiques et charnels.