Guy Lefranc est de retour, pour une aventure très lointaine, périlleuse et aux enjeux politiques : ce qui n’est pas la première fois. Naturellement, cette régate lui réserve de graves imprévus et, tout aussi certainement, le journaliste déploiera tout son courage et sa compétence pour sortir par le haut de la situation. Il se joint à Théa, une bonne amie — sans qu’une relation plus intime soit même suggérée — pour faire partie d’une des équipes concourant lors de cette course maritime autour du globe. Et le reportage qu’il en tirera sera destiné à son journal : Le Globe, justement. Pesant sur ce contexte, le père de Théa (Van Toor) est un homme d’affaires international qui vend du minerai et le fait convoyer en Indonésie. Tous les protagonistes vont converger vers cette zone sensible, indépendante depuis peu, et très convoitée. Un album d’une excellente équipe d’auteurs, à l’action soutenue, et à lire au premier degré.
Lire la suite...Le troisième tome du cycle des Sorcières de la « Complainte des landes perdues » : mystères et bulles de gomme !

Une sommitale minutie du trait confère au réalisme épanoui de Béatrice Tillier un aspect d’enluminures, de surcroît mis en valeur par un pertinent jeu chromatique, un jus d’aquarelle en couleurs directes aux antipodes de la facilité numérique comme de l’ascétisme de la ligne claire : un brio prénommé Béatrice.
Pour autant, le goût pour l’emphase descriptive, notamment matériologique, de cette ligne buissonnière ne nuit aucunement à la lisibilité des images, car l’impeccable gestion des valeurs veille à valoriser les points focalisant ; notamment par une rigoureuse ségrégation des plans, quitte à griser le trait des arrière-plans.
Naturellement, ce degré de précision conduit parfois l’œil du lecteur à vagabonder dans les détails des images, quitte à perdre le fil narratif.
On ne saurait tenir grief d’un tel éparpillement à son autrice. Cela fait partie du jeu. « La bande dessinée est un art de relecture », disait le brillantissime Michel Plessix.
D’emblée, ce réalisme paroxystique saute aux yeux et attise la curiosité du lecteur néophyte de la série : une fresque fantastique dans un esprit fantasy, convoquant tour à tour Tolkien ou George R. R. Martin. Le présent album est le troisième du cycle dit « des Sorcières », dont le narratif précède et introduit les deux précédents cycles. Ici, des sorcières rivalisent de magie noire ou blanche sur fond d’une redoutable course au trône. Quid de cet album épique mêlant luttes de pouvoir et tragédies concocté par le prolifique Jean Dufaux ? Après la défaite du prince Elgar, toujours disposé à retrouver sa place légitime, son demi-frère et rival — le bâtard Vivien des Aguries — doit affronter un obstacle de taille qu’il doit évincer dans sa course au pouvoir : le démon Tête noire, lequel a échappé à Ceylan et à leur fille Oriane. Or, la mère d’Elgar, la reine Jamaniel, a ramené à la vie Tête noire, pour s’assurer la victoire. De surcroît, ce dernier entend apurer son passé…
Ce faisant, rare autrice réaliste au talent pleinement accompli, Béatrice Tillier donne aussi une leçon de féminisme par la seule puissance de son travail. Après « Le Bois des vierges » avec le même scénariste, série de trois albums (Delcourt, 2008-2013) où elle exacerbait déjà la leçon de François Bourgeon, Béatrice Tillier a brillamment repris les rênes de la « Complainte » : série majeure initiée par deux cycles respectivement dessinés par Grzegorz Rosinski, puis par le regretté et si talentueux Philippe Delaby. Béatrice Tillier, c’est le brio fait femme. Cet album de 56 pages le prouve une nouvelle fois si besoin en était.
Jean-François MINIAC
« La Complainte des landes perdues — Cycle des Sorcières T3 : Regina Obscura » par Béatrice Tillier et Jean Dufaux
Éditions Dargaud (15 €) — EAN : 978-2-5050-7819-7
Parution 10 mars 2023
Brillante critique, riche d’un vocabulaire qui vous fait honneur M.Miniac!
Mme Tillier va en rougir ainsi que M. Dufaux.