« Champignac » met à l’honneur l’un des personnages les plus généreux et des plus attachants de la galaxie « Spirou », en dévoilant son passé dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, avant qu’il rencontre le héros donnant son titre au journal des éditions Dupuis. Outre le fait de divertir efficacement, le but de cette série dérivée est de vulgariser des sujets scientifiques et sociologiques pour toucher les jeunes lecteurs. Dans cet encore très réussi tome 4, où un Pacôme irritable et dépressif croise d’éminents confrères de l’époque (Einstein, Feynman ou Oppenheimer, récemment mis en lumière avec le film de Christopher Nolan), les Béka et David Etien abordent, avec authenticité et psychologie, le problème de la fabrication de la bombe atomique, à laquelle notre original mycologue va inconsciemment contribuer…
Lire la suite...« La Callas et Pasolini », une amitié amoureuse vraisemblable !

En 1969, après le tournage de « Médée » — un film improbable et inégal —, Maria Callas, qui en est l’actrice principale, et le réalisateur Pier Paolo Pasolini vivent quelques moments ensemble ; lesquels sont dus à l’imagination du scénariste Jean Dufaux, qu’on ne présente plus… Un bel album, touchant, réalisé par un auteur expérimenté et cinéphile et une jeune dessinatrice — Sara Briotti —, évidemment italienne !
L’essentiel de l’album est consacré à leur halte commune à Rio de Janeiro… Où s’échauffe le sang de jeunes Brésiliens et de l’artiste italien, dans la pratique sportive ou dans la bagarre. Pasolini, qui ne peut guère résister à l’idée de conquérir un jeune homme, ne délaisse pourtant pas la Callas, et tous deux partagent pensées et secrets, comme rarement un couple le ferait… Des épisodes courts illustrent plusieurs tranches de vie : une fête avec des célébrités en 1969, l’évocation du tournage de « Médée », et l’interview de la cantatrice à la fin de sa vie en 1977.
L’album s’ouvre sur une fête aux invités huppés, à laquelle participe une Maria Callas lassée, ainsi que le couple Taylor-Burton : l’acteur étant un ami fidèle de la cantatrice. Pasolini se fait attendre, car il essaie de régler un problème sentimental avec le jeune acteur Ninetto Davoli : son amant et acteur fétiche. Malgré ou en raison de son désespoir, il se rend à la fête : retrouver la Callas lui redonne une joie sincère. Très vite, tous deux s’échappent des mondanités pour marcher, parler de leurs vies, leurs espoirs, leurs doutes… De beaux mots et de beaux regards s’échangent entre eux, très chastement, mais profondément.
On bascule alors vers le Brésil, où les deux artistes vont se dépayser avant de présenter leur film en Argentine. Ils rencontrent l’arbitro d’un futur match entre deux équipes de jeunes amateurs. Fan de football, Pasolini est prêt à toutpour assister au match. Ce d’autant que la beauté d’O Veneno (le Venin) — un éphèbe tatoué — attire Pasolini : celui-ci est bien décidé à le séduire, quel qu’en soit le prix.
Maria Callas accompagne le cinéaste presque partout et impressionne ses hôtes, par sa simple présence ou par sa voix.
Tous deux partageront encore plusieurs instants de confidences nocturnes, entre amitié et amour.
Voilà une belle histoire à laquelle on aime croire, et on y croit !
D’abord, les deux protagonistes ont presque le même âge et l’année 1969 représente un point de rupture et d’abandon qui leur est commun.
Ensuite, leurs deux caractères détestent le conformisme et le superficiel.
Ils connaissent la solitude, voire une forme de désespoir existentiel.
Cette histoire est de facto très touchante, située au plus près des deux artistes… si atypiques ! Le scénario vise juste en montrant leurs parts d’ombre, leur fragilité. Et il les fait dialoguer avec acuité, sans spectateurs, dans un texte très écrit, comme sur mesure. Ne donnons pas l’impression que l’album est sombre ou désespéré. Certes, on voit les deux artistes se lamenter (parfois), lutter, mais la vie prime.
Le dessin de Sara Briotti — dans une réaliste ligne claire, précise et détaillée — aide beaucoup à cette mise en lumière et contribue à cette vivacité, ainsi que la mise en couleurs contrastée et variée. Avec ce tout premier album français s’opère la naissance professionnelle de la jeune dessinatrice romaine.
Les amateurs — et pas seulement d’opéra ou de cinéma italien des années 1960-1970 — devraient être comblés, notamment ceux qui s’intéressent à l’authenticité chez les artistes. La présence de l’album dans la collection Aire libre de l’éditeur est d’ailleurs un signe. Le critique littéraire italien Emanuele Trevi signe la préface et Alain Duault — l’écrivain et animateur radio et télé —propose une postface (sur les hommes de la Callas), agrémentée de quelques crayonnés.
« La Callas et Pasolini : Un amour impossible » par Sara Briotti et Jean Dufaux
Éditions Dupuis (25 €) — EAN : 979-10-347-6246-0