Laurent Astier a fait une parenthèse de deux ans dans son parcours prometteur, après le succès de son cycle western « La Venin » (1) : il avait à cœur depuis longtemps de publier un récit autobiographique. Le sujet principal est moins sa propre existence que celle d’un ami devenu très proche : Cyril — ou plutôt son destin. Des années d’études aux débuts professionnels d’Astier dans le dessin, on assiste à la rencontre magique avec ce fameux Cyril que le destin frappera durement : une, puis deux maladies graves, de celles dont on a peur… Il se battra contre cette fatalité pendant 13 ans. Son ami Astier raconte tous les épisodes de leur amitié et de leurs vies, avec simplicité et beaucoup de cœur.
Lire la suite...Le train de l’enfance sans crier gare…

Si par nostalgie ou pour mieux se comprendre, on essaie de remonter le temps, de retrouver son enfance, pour mieux (se) la raconter, on s‘aperçoit que ce n’est pas facile. Il faut certes compter sur ses propres souvenirs ; mais, surtout, trouver ceux qui peuvent en témoigner – les parents, bien sûr, la famille proche… – et revenir sur les lieux…
Tout commence lors d’un voyage à New York. Pas n’importe lequel : un voyage pour y courir le célèbre marathon. Dans « Le Marathon de New York à la petite semaine », publié en 2016 chez le même éditeur, comme nous le disions alors (voir la chronique ici-même sur BDzoom) : « Dans son corps, une compagnie d’ouvriers à casquettes, qui jusque-là hibernaient mollement, se met au travail en salle des machines. On les retrouve régulièrement dans les moments délicats, car imposer à un corps sédentaire une telle révolution n’est pas sans conséquence et Samson s’en amuse avec cette brochette de travailleurs manuels qui s’activent, s’énervent, paniquent avisent ou le dopent. »
Ce séjour atypique et mémorable lui vaut d’y revenir, en 2018, pour la promotion de son album traduit en anglais ! Il y revient et il n’en revient pas ; d’autant que cette invitation est quasiment à l’origine de ce nouvel album, puisque le gamin qu’il était lui apparait à plusieurs occasions et que cela le décide à lui consacrer cette autobiographie. Sébastien Sanson s’attache, de fait, à retrouver la Vienne, et plus précisément ce village où sa mère fut garde-barrière pendant quelques années, à la fin des années 1970.
D’une enfance plutôt heureuse, il en garde surtout les images de voies ferrées, de passages à niveaux, de trains : la ligne Saumur-Poitiers aux traverses désormais « muettes et désertées », un « pays d’oubli »… Le plus impressionnant reste pour l’auteur de retrouver cette maison du bonheur désormais abandonnée, d’y entrer, « archéologue par effraction d’une jachère de mémoire »… Cet album est une façon de reconstruire le passé, mais pas à pas, peu à peu. Plus question de courir, comme à New York ; ici, les mots, les images, le jeu des mots, le jeu des images, tout sert au puzzle qu’il va falloir terminer pour mieux comprendre d’où l’on vient…
Qu’on ait été élevé près de voies ferrées ou pas, on est forcément, en tant qu’adulte, touché par un tel récit : celui d’une enfance sensible, attentive, joueuse, dans un cadre champêtre, loin, très loin, si loin de « la solitude du coureur de fond », un récit où l’auteur alterne les traitements graphiques selon les séquences, ce qui ajoute au plaisir de cette promenade bucolique et sentimentale.
Didier QUELLA-GUYOT
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« Entre deux gares » par Sébastien Samson
Éditions La Boite à bulles (24 €) – EAN : 9782849534809