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Patty, ou la télépathie selon Lewis Trondheim…

04/05/2025
Par Laurent Lessous

Lewis Trondheim attache la même attention et la même rigueur — on pourrait dire simplement le même talent — dans ses livres pour la jeunesse que pour sa production en direction des adultes. Ainsi, après les drolatiques « Chihuahua » et « Aurore et l’Orc », « Patty télépathe » enchantera petits et grands par son humour bon enfant, dans un récit sans prétention uniquement guidé par l’imagination sans limite du Grand Prix d’Angoulême 2006.

Patty est une écolière ordinaire que rien ne distingue des autres mis à part sa longue chevelure bleue bouclée. Fille unique d’une famille aimante, elle rejoint sa meilleure copine Lina, pour aller à pied à l’école. C’est pendant ce moment de complicité qu’elle lui avoue un beau matin qu’elle peut lire dans les pensées de ses contemporains. Devant l’effroi de sa camarade, elle se rétracte bien vite et garde pour elle-même ce super-pouvoir : il peut se révéler finalement dangereux, pense-t-elle alors, car elle pourrait « finir emprisonnée dans un laboratoire gouvernemental d’expérimentations pour toujours. » Elle utilisera désormais ce don — venu d’on ne sait où un beau matin — sans en faire état, et uniquement dans son petit milieu : à l’école, dans l’appartement familial ou en croisant les passants dans la rue.

Patty découvre ainsi les pensées de ses deux parents qui ne peuvent maintenant guère lui cacher des choses. Ainsi, quand elle apprend qu’ils vont lui offrir un téléphone portable, elle imagine qu’ils vont divorcer. Cela ne l’attriste pas trop car elle espère recevoir une double dose de cadeaux pour les grandes occasions. Elle est ainsi un peu déçue quand ils lui disent que le portable servira uniquement pour communiquer avec sa mère qui part travailler sur une plateforme pétrolière, mais qu’il ne dispose pas d’applications, ni d’internet, ni d’appareil photo ! Si les pensées perçues des passants croisés sur le chemin de l’école l’amusent souvent, ses capacités télépathiques sont d’une aide précieuse en classe jusqu’au jour elle entre en contact avec un savant solitaire à l’origine de son superpouvoir…

« Patty télépathe T1 : On ne peut rien lui cacher » page 10.

L’esprit taquin de Lewis Trondheim se retrouve dans tous ses livres à destination de jeunes lecteurs. Après « Chihuahua » ou « Aurore et l’Orc », l’auteur montpelliérain s’amuse à imaginer un récit loufoque, toujours amusant et d’un grande justesse dans les comportements des personnages. Et il amuse avec lui un vaste lectorat de 7 à 77 ans comme de coutume. « Patty télépathe » est une bande dessinée au petit format, composée de gags en une planche, souvent en quatre grandes cases.

Les planches sont auto-conclusives mais s’enchaînent pour former un long récit sur 64 pages, de la découverte de la télépathie de la jeune héroïne à sa rencontre avec le savant, un peu fou, à l’origine de ce don.

Trondheim aborde avec légèreté des thématiques plus profondes que ne le laisse supposer le résumé de l’album : d’une nécessaire prise de conscience écologique à la lutte contre le racket et le harcèlement à l’école et de la responsabilité — même des plus jeunes — dans l’attention portée aux autres à la compréhension des petits mensonges qui accompagnent le quotidien de tout un chacun pour bien vivre ensemble. Ce premier volume annonce une belle série jeunesse autour d’un fantasme communément partagé, même s’il est irréaliste. Les jeunes lecteurs peuvent facilement s’identifier à la candide Patty. Les plus impatients découvrent ses nouvelles aventures au sein du magazine Manon du groupe Bayard presse : un bimestriel qui s’adresse plus particulièrement aux lectrices de sept à dix ans.