« La Véritable Histoire du Far West T7 : Fort Alamo » : de la légende à l’histoire américaine…

Puissant symbole de la mémoire collective américaine, le siège de Fort Alamo (1836) vient rejoindre chez Glénat la série « La Véritable Histoire du Far West ». L’occasion pour ses auteurs et pour l’historien Farid Ameur de rendre l’événement à ses tragiques réalités, entre Révolution texane et velléités de souveraineté mexicaine. Une mythologie au son du canon, qui nous transporte aux côtés de Davy Crockett, Jim Bowie et du colonel Travis, dans un récit sanglant, où s’entrechoquent passion, politique et violences de tous ordres…

L'Histoire en perspectives (planches 1 et 2 - Glénat 2025).

Septième opus d’une série d’albums que nous avions évoquée dès son inaugural « Jesse James » (voir également « Little Big Horn ») et faisant suite au récent « Calamity Jane », « Fort Alamo » devrait être suivi dans quelques mois par « La Ruée vers l’or » (le 24 septembre prochain), puis, en 2026, par « OK Corral » et « Geronimo ». Le titre, bien sûr, remémore tout un pan de la culture populaire : des aventures de « Davy Crockett » (série TV en cinq épisodes produite par Walt Disney en 1954-1955, déclinée en comics par la suite) au flamboyant « Alamo » – film aussi épique et visuellement inspiré qu’historiquement douteux – de John Wayne (1960), de « La Ballade de Davy Crockett » (chanson créée pour le feuilleton TV en 1955) au film « Alamo » de John Lee Hancock (2004 ; un échec retentissant au box-office), de « Remember the Alamo » (Jane Bowers, 1960 ; chanson reprise par Johnny Cash) jusqu’au spectacle son et lumière produit et interprété par Phil Collins : ce dernier étant, par ailleurs, un grand collectionneur d’objets liés à la bataille. Côté bande dessinée, enfin, rappelons l’existence plus discrète de titres tels « Moses Rose » (Patrick Cothias, Patrice Ordas et Christelle Galland, Grand Angle 2015-2017), trilogie qui s’est intéressée au sort d’un des rares rescapés (français !) d’Alamo.

Affiche pour « Alamo » (John Wayne, 1960). Illustration par Reynold Brown, fameux graphiste des affiches de « Ben Hur » ou de « L'Attaque de la femme de 50 pieds ».

Affiche pour « The Alamo » (John Lee Hancock, 2004 ; studio Pulse Advertising).

Pourquoi Alamo, qui n’était jamais en 1836 qu’une vieille mission franciscaine, transformée en prison et poste défensif de fortune par des garnisons mexicaines durant les années 1800-1820, prit-il autant d’importance ? Tout simplement parce qu’il constituait une étape stratégique aux frontières du Texas, à l’heure de la révolution texane contre le gouvernement centraliste du Mexique. Aux débuts des années 1820, le Mexique devint indépendant, mais une partie de son territoire demeura espagnol. Texans hispaniques (Tejanos) et colons anglo-américains ne tardèrent pas à faire valoir leurs droits dans la décennie suivante, tout en demeurant divisés sur les questions de l’esclavage et du fédéralisme. En mars 1836, l’indépendance du Texas est autoproclamée. Bien déterminé à restaurer son autorité dans la province rebelle, le président et général Santa Anna avance à la tête d’une armée de 6 000 hommes… Dans le fort Alamo, près de San Antonio de Bexar, environ 150 Texans tentent de tenir la position, sous les ordres du colonel James Bowie et de l’officier de cavalerie William Travis. Le 8 février 1836, ils sont rejoints par un groupe de volontaires, dont le célèbre pionnier et congressiste du Tennessee, Davy Crockett.

Représentation du fort avant la bataille (vue d'artiste pour une carte postale).

Remettant naturellement en scène tous les éléments et enjeux évoqués, « Fort Alamo » est placé dès sa première planche dans la perspective parallèle des débuts de la guerre de Sécession (1861-1865). Sécessionniste et esclavagiste, le Texas remplace alors son gouverneur, un certain Sam Houston, qui refuse de prêter allégeance à la Confédération. En 1836, le même Sam Houston allait profiter des lendemains héroïques de Fort Alamo pour contrer l’armée mexicaine de Santa Anna lors de la bataille de San Jacinto (21 avril 1836).

Le spectacle des prémices... (planches 8 et 9 - Glénat 2025).

La bataille de Fort Alamo (du 23 février au 6 mars 1836) opposa environ 187 Texans et pionniers contre 3 000 soldats mexicains. Il a fallu 13 jours pour défendre le droit à l’autodétermination contre un pouvoir devenu de plus en plus centralisateur. Durant les combats, de nombreux soldats texans crièrent à maintes reprises « Remember the Alamo ! » (« Souvenez-vous de l’Alamo ! »), la formule étant reprise par Sam Houston. Un symbole constitutif de sa propre mythologie, devenu une étape clé dans la construction nationale américaine, mais surtout une leçon de courage et de solidarité face à l’adversité, comparable aux batailles des Thermopyles (480 av. J.-C.) et de Camerone (30 avril 1863). Du moins pour sa dimension très légendaire, diffusée via le cinéma ! Si l’on résume, en effet, la bataille sembla opposer une poignée de vaillants résistants américains aux troupes surnuméraires du sanguinaire Santa Anna, se présentant comme le Napoléon du Nouveau Monde. Dans la réalité, l’intervention mexicaine était légitime face à des colons qui réclamaient l’indépendance : un prélude à la guerre américano-mexicaine (1846-1848), durant laquelle les États-Unis finirent par conquérir la moitié du territoire mexicain (tout le sud-ouest actuel des USA)…

« Fall of the Alamo », illustration de Theodore Gentilz (1844), reprise en carte postale.

Scénarisé par Mathieu Gabella (« Conan le Cimmérien T3 : Au-delà de la rivière noire » ; « Dans le ventre du dragon »), storyboardé par Ronan Toulhoat (« La République du crâne » ou « Tête de chien »), l’album est dessiné nerveusement par Paolo Martinello (« Pendragon »), avec l’assistance de ses collègues de l’atelier de Bologne (recherches de personnages et de décors, crayonnés, couleurs). Composé de planches relativement denses (parfois composées sur cinq strips), le titre ne démérite pas en embrassant tant son sujet que ses diverses ambiguïtés morales, entre siège en huis clos, épopée guerrière, protagonistes aux motivations équivoques (Bowie étant un magouilleur et un ex-marchand d’esclaves notoire) et saga texane. Farid Ameur, spécialiste de l’histoire américaine, outre son apport à une partie de la documentation visuelle initiale, complète ce tome de 56 pages par un dossier inédit.

Philippe TOMBLAINE

« La Véritable Histoire du Far West T7 : Fort Alamo » par Paolo Martinello, Ronan Toulhoat, Martina Pignedoli, Mathieu Gabella et Farid Ameur

Éditions Glénat (14,95 €) — EAN : 9782344045947

Parution 21 mai 2025

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