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« Lune de miel » T2 : du roman graphique au récit classique…

17/05/2025
Par Henri Filippini

Avec la publication en 2008 du « Goût du chlore », Bastien Vivès s’est imposé comme le chef de file d’une nouvelle génération d’auteurs mêlant manga, jeu vidéo et animation. Après avoir goûté aux récompenses, aux éloges de la critique et même à la polémique, il opte pour une bande dessinée plus traditionnelle, signant deux « Corto Maltese » contemporains, puis créant la série « Lune de miel » : un virage à 180 degrés, un saut dans l’inconnu pour la star du roman graphique.

Trois mois après la parution de la première aventure du couple Sophie et Quentin, confronté à la pègre en Grèce (1), nos deux héros sont de retour pour une nouvelle équipée franchement exotique au cœur de la forêt amazonienne. Abandonnant encore une fois leurs deux enfants — cette fois-ci victimes de gastroentérite — à leurs grands-parents,Sophie et Quentin s’envolent pour vivre une semaine de rêve à Santorito en Amérique centrale. Les conditions météorologiques contraignent l’avion à se détourner de sa route et à se poser sur l’aéroport le plus proche de leur destination. À bord d’une voiture de location, le couple affronte un véritable déluge, se perd en pleine jungle, pour finir au cœur d’un conflit sanglant entre orpailleurs et policiers véreux, à la recherche d’une mystérieuse caisse de métal rouge. Leurs vacances de rêve tournent au cauchemar. Comble de malchance : Sophie est à son tour victime de la gastro généreusement transmise par ses enfants… et ne manque pas de la répandre parmi leurs ravisseurs… Petits détails qui ont leur importance : Quentin n’oublie jamais un visage et, véritable encyclopédie vivante, Sophie parle une dizaine de langues.

Ce récit propose un scénario on ne peut plus classique, aux ficelles parfois un peu grosses, mais qu’importe !, puisque le lecteur en redemande… Maître Jean-Michel Charlier n’en était pas avare ! La mise en page traditionnelle manque encore de finition, bien que Bastien Vives soigne ses décors et ses personnages. On ne passe pas de la cadence demandée aux auteurs de romans graphiques aux précisions du détail qu’exige la bande dessinée classique sans une période de rodage. La performance demeure remarquable de la part d’un dessinateur aguerri. Bastien Vivès entrouvre une brèche et redonne des couleurs à la « bande dessinée de papa » : les lecteurs se doivent d’encourager cet ouvrage qui se lit avec plaisir.

Bastien Vives.

Notons que « Midi entre quatre planches », le troisième volume de la série, est déjà annoncé par l’éditeur de « Tintin » qui — enfin ! — lorgne à nouveau vers les séries au long cours.

Né à Paris le 12 février 1984, Bastien Vivès étudie l’animation pendant trois ans à l’école des Gobelins. Il propose ses premiers travaux sur Internet en 2002 avec « BD Crew ». Il entre chez Casterman où il publie « Elle(s) » en 2007, suivi du « Goût du chlore » — lequel lui vaut le prix Révélation à Angoulême en 2009. Suivent « Pour l’Empire » à partir de 2010, « Polina » en 2011, « Une sœur » en 2017, « Le Chemisier » en 2018, « Dernier Week-end de janvier » en 2022…

Avec Balak et Michaël Sanlaville, Bastien Vivès lance en 2013 la série « LastMan » dont 12 tomes sortent en six ans.En 2021, il signe une version personnelle de « Corto Maltese » avec Martin Quenehen (un deuxième tome est publié en 2023), puis crée — seul — la série « Lune de miel » en 2025.

« Les Melons de la colère », publié aux Requins Marteaux en 2011, avait marqué ses débuts dans l’érotisme ; « La Décharge mentale » (chez le même éditeur), puis « Petit Paul » (aux éditions Glénat), tous deux publiés en 2018, déclenchent une polémique dont le point d’orgue est le salon d’Angoulême de 2022. Bastien Vivès sera jugé par le tribunal de Nanterre au mois de mai 2025 pour « fixation et diffusion d’image à caractère pornographique de mineurs ».

Henri FILIPPINI

(1) Voir sur BDzoom.com : « Lune de miel » : un cauchemar de série B parodique !.