« L’Art érotique de Leone Frollo » : des populaires « fumetti per adulti » au sommet de l’art érotique…

C’est au cours des années 1960 que Leone Frollo abandonne les bluettes destinées aux jeunes Anglaises pour les « fumetti per adulti » dont les magazines populaires au format de poche envahissent les kiosques transalpins. Loin de s’enfermer dans le genre, il s’oriente vers des productions plus valorisantes, mais toujours osées, souvent destinées à des magazines luxueux. Une nouvelle sélection des œuvres les plus représentatives de ce maître de l’érotisme —sensuel, mais néanmoins audacieux — est proposée dans ce second volume de « L’Art érotique de Leone Frollo ».

Né le 9 avril 1931 à Venise, Leone Frollo effectue des études d’architecture. Il est brièvement architecte, photographe,puis réalisateur de films. Dès 1948, il s’intéresse à la bande dessinée avec la publication, dans le magazine pour jeunes Il Risveglio, du western « Sui grandi laghi ». De 1958 à 1968, il collabore aux journaux de la firme anglaise Fleetway,pour lesquels il produit des histoires sentimentales destinées aux jeunes filles. À la fin des années 1960, les formats de poche lancés en direction des lecteurs adultes font leur apparition en Italie : western, policier, histoire, aventure et bien d’autres thèmes sont proposés, teintés d’un érotisme qui, au fil des années, tourne à la pornographie. Parmi une multitude de dessinateurs aujourd’hui oubliés, Milo Manara, Stelio Fenzo, Magnus… et Leone Frollo sortent du lot. Après avoir collaboré à la revue Terror en 1971, il crée « Lucifera » pour les éditions Ediperiodici avec le scénariste Remo Pizzardi (série traduite chez Elvifrance en France). Envoyée par Satan sur Terre pour pervertir le noble Faust, Lucifera vit une quinzaine d’aventures à la fois sanglantes et chaudes sous son crayon. C’est ensuite Biancaneve(Blanche Neige), dans la série du même nom, qui, au cœur d’un Moyen Âge féérique, promène son corps dénudé. Écrite par Rubino Ventura, cette série débute en 1972 chez Edifumetto. Leone Frollo participe aussi à d’autres publications éditées par Renzo Barbieri (dont surtout Shatane, Karzan et Naga) et traduites chez nous par Elvifrance, notamment dans Contes malicieux, Les Drôlesses, Joyeuses Story, Outre-TombeSatiresSérie bleueSérie jaunesérie roseSuper-DiaboliqueSuper-TerrifiantSuper Trip, Veaux de ville….

Sa dernière participation aux « fumetti per adulti» est pour Casino : un poche publié de 1985 à 1988 par Edifumetto. Écrit par Rubino Ventura, Casino (Le Bordel en français, mais titré quand même « Casino » dans des albums des éditions Magic Strip en 1991 et 1992, puis chez Delcourt en 2010) évoque la vie au quotidien dans une maison close au début du XXe siècle. Par ailleurs, certaines histoires courtes de cette époque ont été compilées en français dans le fascicule « Histoires courtes » chez Média 1000 en 1995 et dans l’album « La Belle Éplorée : et autres histoires » publié chez Delcourt, en 2012.

Remarqué par les éditeurs plus nobles, il quitte l’univers des poches pour des revues plus sophistiquées, dont les éditions Glamour pour lesquelles il dessine « Malicieusement Femme », puis « Mona Street », tous deux traduits en France par Dominique Leroy en 1988 et 1992, puis aux éditions du Balcon en 2001 et chez Delcourt en 2011. « Mona Street » est sa dernière bande dessinée. Pour les luxueuses revues Glamour, Diva et Blue, il se spécialise dans la publication d’illustrations érotiques sophistiquées qui lui valent un succès international. Il décède à Venise, qu’il n’a jamais quittée, le 17 octobre 2018 à 87 ans.

Le présent ouvrage de 120 pages — dont l’édition originale a été publiée en Italie en 2023 aux éditions Lo Scarabeo —propose une sélection d’illustrations pour beaucoup inédites, retrouvées dans son atelier vénitien situé sur le Campo Rialto Novo. Scindé en cinq parties, il invite à voyager à travers l’œuvre d’un artiste dont les travaux font honneur à la bande dessinée érotique : « Les Débuts », où l’on savoure ses premiers dessins et esquisses en noir et blanc réalisés à l’encre de Chine ; « Les Amies », de sensuelles séquences osées du plaisir entre femmes ; « Le Toucher », un véritable dictionnaire des caresses intimes ; « S’attacher », un hommage éblouissant aux maîtres du bondage ; enfin « Contact », un feu d’artifice d’accouplements…

La reproduction des œuvres est parfaite, les aquarelles aux couleurs discrètes — bien que souvent osées — invitent à la sensualité, les illustrations réalisées au crayon ou au pastel font passer les séquences les plus impudiques, les femmes les plus libérées. Ceux qui ont savouré le premier volume (1), publié en août 2024, ne pourront que se féliciter de la parution d’indications concernant les origines et les dates de réalisation des œuvres, manquantes dans le tome précédent. Injustement méconnu, Leone Frollo mérite de figurer en bonne place auprès de ses contemporains Milo Manara, Paolo Eleuteri Serpieri, Guido Crépax, Magnus…

Henri FILIPPINI

Leone Frollo.

Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER, avec l’aide de Fred FABRE

(1)  Sur le premier recueil, lire la chronique de Laurent Lessous : Redécouvrir un des grands maîtres de l’érotisme italien : Leone Frollo ….

« L’Art érotique de Leone Frollo » T2 par Leone Frollo

Éditions Glénat (32 €) — EAN : 9782344069431

Parution 2 juillet 2025

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