« L’Ange corse » : une prometteuse fresque historique sur le trafic d’opium et l’aspiration du peuple vietnamien à la liberté…

Par les temps qui courent, il est rare qu’un éditeur se lance dans une saga aux allures classiques prévue en plusieurs volumes. Pourtant, Futuropolis a déjà financé les scénarii des six ouvrages nécessaires à l’épopée de « L’Ange corse », lesquels sont d’ores et déjà écrits, et les trois premiers opus sortiront en l’espace d’une seule année… Rien que pour cela — mais pas que… —, saluons la parution du premier tome de « L’Ange corse » : l’histoire d’un orphelin corse qui doit s’expatrier dans l’Indochine des années 1930, pour échapper à une vendetta. Le jeune insulaire est recueilli, à Saigon, par un riche commerçant et propriétaire terrien natif d’Ajaccio : mais sous sa façade respectable, cet homme, bien installé, trempe dans le proxénétisme et le trafic de stupéfiants…

Après avoir occis la personne qui venait d’assassiner son père adoptif, le petit Ange — mais un ange à la beauté du diable ! — doit fuir sa terre natale : pourtant, la vengeance ne s’arrête pas aux frontières de l’île de Beauté… Partant du port de Calvi et passant par les calanques de Marseille, notre « héros », d’apparence polie et discrète, va se retrouver pris en charge par la communauté corse à Saigon : comme ce fut le cas pour bien d’autres familles, issues de cette île méditerranéenne, accueillies en Indochine pendant la période coloniale de l’entre-deux-guerres. 

Nous allons, ainsi, assister à la genèse romanesque du trafic de drogue international, alors organisée par la pègre corse, en suivant l’ascension et la gloire de cet homme, audacieux et ambitieux, qui va bouleverser les codes et la hiérarchie annamite, jusqu’à son propre déclin et sa chute prévisible… Un récit sans concessions, dont le but est clairement de montrer le côté sombre de notre passé colonial, en ces temps où la France utilisait, entre autres, l’opium pour financer ses infrastructures !

Dans sa préface, Philippe Francq (le dessinateur de « Largo Winch ») confie que, s’il en avait eu le loisir, il aurait bien été tenté de mettre en images ce feuilletonnesque projet historique du scénariste, chanteur et romancier, Loulou Dedola. Le comparant à ces épopées d’Alexandre Dumas, comme « Le Comte de Monte-Cristo » ou « Vingt Ans après », qu’il dévore depuis son plus jeune âge —, il salue aussi la performance illustrative de l’Italien francophone Luca Ferrara, qui a déjà travaillé avec le même scénariste (sur « Fela Back to Lagos » chez Glénat ou « Le Combat du siècle » et « Il était une fois en Jamaïque » chez Futuropolis)…

Ce parrainage n’est pas inopportun, car le trait réaliste de Luca Ferrara n’est, ici, pas très éloigné de celui du créateur graphique du milliardaire en blue-jean et parce que la narration efficace de Loulou Dedola — formée sur ses précédentes BD engagées parues chez Ankama, Glénat (1), Steinkis ou donc Futuropolis — est bien, par certains côtés, dans la lignée d’un certain Jean Van Hamme.

Gilles RATIER

(1) Voir sur BDzoom.com : « Le Père turc » par Lelio Bonaccorso et Loulou Dedola.

« L’Ange corse T1 : Exode » par Luca Ferrara et Loulou Dedola 

Éditions Futuropolis (16 €) — EAN : 9782754832342

Parution 20 août 2025

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