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Dans les derniers pas de Rimbaud…

05/09/2025
Par Didier Quella-Guyot

Joël Alessandra est un dessinateur obsédé par le poète Rimbaud, convaincu que ce dernier a bien dû écrire un ultime poème, là-bas dans la corne de l’Afrique où Rimbaud s’exile pendant les dix dernières années de sa vie. Alors, il lui faut enquêter, coûte que coûte, dans les pas de cet Autre pour dénicher ses derniers vers…

Tout a commencé, pour Joël Alessandra, par plusieurs années passées du côté de Djibouti… et une passion forcenée pour ce bout d’Afrique. Et tout a recommencé par une exposition au musée Rimbaud à Charleville-Mézières, et l’idée de reprendre la route pour retrouver Rimbaud, dans ses itinéraires et ses errances, dans ses pérégrinations improbables et aventurières.

Parallèlement à l’évocation de l’histoire connue du poète, Alessandra enquête, bien décidé à faire avouer à Rimbaud ce qu’il a toujours caché, en suivant ses traces et les indices qu’il aurait laissés « à travers les contrées traversées ». « Je suis, dit-il, les pas du poète dans sa quête désespérée d’un emploi dans différents ports de la mer Rouge » et les villes s’égrènent : Djeddah, Souakim, sur la côte d’Égypte, Massaouah en Abyssinie…

De fort belles planches alimentent ce récit haut en couleurs : des illustrations pleine page fascinantes, des croquis en noir et blanc façon carnet de voyage, des déambulations au fil des ruelles des cités légendaires (Aden, Harar…), l’évocation de la Djibouti d’aujourd’hui… sans oublier des précisions culturelles, qui vont de la poésie soufie à l’importance des boutres.

Alessandra se confie au passage. Lui, l’éternel voyageur, est peut-être aussi un éternel fugueur. « Et si fuir, écrit-il, était une bonne chose ? Fuir, n’est-ce pas un réflexe de survie ? » Fuir pour survivre, voyager pour revivre et devenir un Autre - et d’autres ! -, c’est souvent l’enjeu : mieux se connaitre en connaissant les autres ; et tenter de se perdre pour tenter de se retrouver… Quitte à se dire qu’on s’est peut-être trompé : Harar humanum est ? Qu’importe ! « Le vent se lève ! … Il faut tenter de vivre ! », comme disait Paul Valéry.

Rappelons que Joël Alessandra est aussi l’un des pilotes essentiels de la revue Carnets d’ailleurs (voir notre chronique ici-même), une belle façon, là encore, de larguer les amarres ; comme l’est le tout récent « Dadji : de Dakar à Djibouti, à la rencontre de la grande muraille verte panafricaine », réalisé avec Élodie Arrault (et présenté ici-même).