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« Contrapaso » de Teresa Valero entre dans la collection Aire noire !

13/09/2025
Par Henri Filippini

Publiée en 2021, la première partie de « Contrapaso » — encensée par la critique — laissait espérer une suite rapide à ses nombreux lecteurs. C’est chose faite quatre ans plus tard avec la publication d’un pavé de 192 pages proposé par la prometteuse collection Aire noire animée par Doug Headline. À la fois thriller au scénario ciselé et portrait sans concession de l’Espagne franquiste, cette trilogie signée Teresa Valero se savoure — malgré sa longueur — de la première à la dernière page.

Madrid, février 1956. Léon Lenoir, un jeune journaliste idéaliste admirateur de Camus, au caractère tempétueux, revenu en Espagne après un long séjour en France, et Emilio Sanz, un vieux phalangiste désespéré, vétéran des faits divers et vieux briscard du journalisme, travaillent en duo pour le quotidien indépendant La Capitale dirigé par le bouillant Suso Fontana. Ils enquêtent avec obstination sur les meurtres inexpliqués perpétrés sur des femmes depuis 1939 et jamais élucidés. La dix-septième victime vient d’être découverte lorsque débute ce récit.

Passant habituellement à l’action une fois par an, le tueur en série frappe une première fois dans un drive-in, puis, peu après, dans une salle de cinéma, assassinant sauvagement un prêtre membre de la commission de censure. Avec l’aide de l’illustratrice Paloma Rios, cousine de Léon, les deux journalistes sont confrontés à la censure franquiste où spéculateurs et hiérarques du régime œuvrent dans l’ombre de Franco et de sa terrible loi de censure supprimant la liberté de la presse.

Tout en suivant l’enquête minutieuse de ses héros aux multiples déconvenues, Teresa Valero dresse un portrait sans concession de l’Espagne des années cinquante où église et armée entretiennent, par la terreur, l’image d’un pays idyllique. C’est aussi l’occasion d’évoquer le rôle joué par le cinéma américain, qui fascine le dictateur savourant les films à sa gloire dans sa salle privée. À l’intrigue passionnante et aux dialogues savoureux s’ajoute le quotidien des deux héros aux prises avec des familles aux rapports compliqués. Une fois terminé, « Contrapaso » sera un monument de plus de 500 pages aux textes copieux, tour à tour palpitants, cyniques, riches en anecdotes et non dénués d’humour. Les dessins aux personnages attachants raviront les amateurs de bandes dessinées classiques appréciant le travail bien fait. Une œuvre monumentale dont on attend avec impatience la conclusion dans un troisième album qui s’annonce aussi riche que les précédents. Ne nous méprenons pas avec le titre générique du présent volume qui n’est en aucun cas un ouvrage pornographique.

Teresa Valero.

Née le 23 juillet 1969 à Madrid, Teresa Valero effectue des études en administration d’entreprise avant de se consacrer à sa passion pour le dessin. Tout en lorgnant le média bande dessinée, elle travaille dans l’animation pour les studios Lapiz Azul, puisMilimetros. Elle coécrit « Sorcelleries » avec Juanjo Guarnido, puis « Curiosity Shop » pour Montse Martin. Elle aborde le dessin avec « We Are Family », écrit par Marie Pavlenko et publié en 2013 chez Delcourt. C’est ensuite le diptyque « Gentlemind »,réalisé avec Juan Diaz Canalès — son époux —, pour le dessinateur Antonio Lapone. Teresa Valero se lance dans la réalisation en solo de « Contrapaso », dont le premier volume est édité par Dupuis en 2021. Tout en suivant les traces des dessinateurs traditionnels de la bande dessinée espagnole, car née après la mort de Franco, elle apporte sa touche personnelle, en offrant des pages dynamiques, sensuelles et envoûtantes.

Mentionnons aussi Doug Headline, éditeur et traducteur de cette œuvre, à laquelle il a apporté son regard attentif.

Ce deuxième tome bénéficie d’un tirage limité à 700 exemplaires destiné à la librairie Bulle ! au Mans. Il propose une couverture et un dossier (huit pages) inédits, ainsi qu’un frontispice numéroté et signé (EAN : 9782808513531). Les éditions Dupuis ont également réalisé un tirage de tête de 1 111 exemplaires numérotés avec jaquette inédite, accompagné d’un dessin inédit signé par l’autrice (EAN : 9782808513456).

À l’occasion de la publication de ce second épisode, les éditions Dupuis ont l’excellente initiative de proposer la réédition du premier volume au sein du label Aire noire. Et notons que deux tirages spéciaux (dont le premier est limité à 500 exemplaires) ont également été réalisés à l’occasion de la réédition du premier tome.

Henri FILIPPINI