BDZoom > Actualités > « Les Années noires » de Champignac : ou Pacôme et le champignon atomique…

« Les Années noires » de Champignac : ou Pacôme et le champignon atomique…

15/09/2025
Par Gilles Ratier

« Champignac » met à l’honneur l’un des personnages les plus généreux et des plus attachants de la galaxie « Spirou », en dévoilant son passé avant qu’il rencontre le héros donnant son titre au journal des éditions Dupuis, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Outre le fait de divertir efficacement, le but de cette série dérivée est de vulgariser des sujets scientifiques et sociologiques pour toucher les jeunes lecteurs. Dans cet encore très réussi tome 4, où un Pacôme irritable et dépressif croise d’éminents confrères de l’époque (Einstein, Feynman ou Oppenheimer, récemment mis en lumière avec le film de Christopher Nolan), les Béka et David Etien abordent, avec authenticité et psychologie, le problème de la fabrication de la bombe atomique, à laquelle notre original mycologue va inconsciemment contribuer…

En cette année 1943, le comte de Champignac n’a plus envie de vivre depuis la disparition, dans le précédent opus (1), de sa compagne Blair : la seule personne avec qui il pouvait être lui-même. Cependant, il continue à parler à sa belle comme si elle était encore là : tel un fantôme qui l’accompagne et qui n’hésite pas à le pousser dans ses retranchements. Ainsi, en plus de sa charge d’enseignant, notre inventeur de génie, déçu par l’humanité, accepte la mission d’espionner ses savants confrères de Princeton, lesquels sont soupçonnés d’être des sympathisants communistes, ceci afin de les dénoncer au FBI.

Après avoir lavé Albert Einstein des accusations qui pesaient sur lui, il s’inquiète de la disparition, du jour au lendemain, de nombreux professeurs et étudiants de l’université soi-disant partis pour le Nouveau-Mexique, et il en informe Edgar Hoover. Le patron du Federal Bureau of Investigation, agacé par ces nouvelles et par le fait de n’avoir pas pu prouver ses suspicions envers le célèbre prix Nobel, décide d’expédier Champignac à Los Alamos, où la crème des physiciens tente de mettre au point la bombe la plus puissante jamais imaginée.

Tout en intériorisant ses émotions, notre héros doit, entre autres, décrypter les lettres codées envoyées par le jeune savant Richard Feynman. Or, ces messages chiffrés ne sont, en réalité, qu’un jeu entre ce dernier et sa femme qui est hospitalisée…

Ce touchant et passionnant scénario historico-scientifique, qui fait revivre miss Blair MacKenzie de si belle manière après son dramatique décès, est dû en grande partie à la branche masculine du duo Beka : Bertrand Escaich. Par ailleurs, sa mise en images par le talentueux David Etien — lequel semble s’être beaucoup amusé à caricaturer les personnages célèbres qui y interviennent — est toujours aussi remarquable, même si on peut être quelquefois surpris par sa propension à réaliser des têtes légèrement disproportionnées par rapport aux corps.

À noter que, bien que prépublié dans Spirou (comme les trois autres opus de la série) depuis le n° 4558 du 20 août, les pages 30 et 31 de ce nouvel épisode à la fois captivant et pédagogique manquent à l’appel dans le n° 4561 (daté du 10 septembre) de l’hebdomadaire édité par Dupuis.

L'un des passages non prépubliés dans Spirou.

D’après David Etien (sur son Facebook), ce serait « une volonté de la rédaction du journal de ne pas montrer une scène — pourtant importante — dans laquelle notre Pacôme fume des champignons hallucinogènes. Je n’écris pas ce post pour dénoncer une censure, mais pour expliquer la raison de cette disparition. Pour ceux qui veulent savoir ce qui s’y passe, il faudra donc acheter l’album… »

Gilles RATIER