Les pyramides, le sphynx, ses dieux à têtes d’animaux ou les tombeaux des pharaons : l’Égypte antique envoute depuis plus de 3 000 ans. Cette fascination explique en grande partie l’étonnante expédition de Bonaparte en 1798/1799. À son retour, l’égyptomanie est encore renforcée par la diffusion des découvertes des savants transportés jusqu’aux rives du Nil. Dans la bande dessinée « Pyramides », 20 ans plus tard, d’étranges meurtres aux rituels inspirés des momificateurs ensanglantent les rues de Paris. L’enquête révèle de sombres secrets enfouis depuis longtemps. Réédition de cette trilogie dans une belle intégrale augmentée d’un intéressant dossier intitulé « De la campagne d’Ègypte au Paris égyptien ».
Lire la suite...Les mystères de Paris et de l’Égypte réunis dans un polar historique…

Les pyramides, le sphynx, ses dieux à têtes d’animaux ou les tombeaux des pharaons : l’Égypte antique envoute depuis plus de 3 000 ans. Cette fascination explique en grande partie l’étonnante expédition de Bonaparte en 1798/1799. À son retour, l’égyptomanie est encore renforcée par la diffusion des découvertes des savants transportés jusqu’aux rives du Nil. Dans la bande dessinée « Pyramides », 20 ans plus tard, d’étranges meurtres aux rituels inspirés des momificateurs ensanglantent les rues de Paris. L’enquête révèle de sombres secrets enfouis depuis longtemps. Réédition de cette trilogie dans une belle intégrale augmentée d’un intéressant dossier intitulé « De la campagne d’Ègypte au Paris égyptien ».
1820, Louis XVIII règne en France depuis cinq ans et la deuxième abdication de Napoléon 1er. La Restauration est une époque trouble sur le plan politique entre revanche des monarchistes revenus d’exil, volonté de révolution des républicains et nostalgie des bonapartistes. L’inspecteur Rochelle ne fait pas de politique, même si sa famille révolutionnaire lui a donné comme prénom un mois du calendrier républicain : Nivôse.
Il enquête sur une série de meurtres spectaculaires qui défraient la chronique judiciaire du temps. On retrouve les corps d’hommes assassinés dans les rues de Paris, tous étrangement mutilés : la tête du cadavre enrubannée, comme celle d’une momie, avec une partie des viscères qui a disparu. Des papyrus signés de cartouches hiéroglyphiques sont collectés dans les poches des vêtements des victimes ou à leur domicile.
Ce sont tous des vétérans de la campagne d’Égypte menée par le jeune général Bonaparte à la fin du siècle précédent. Le policier oriente donc son enquête vers les membres d’une confrérie secrète fondée sur les rives du Nil.
L’inspecteur Rochelle fait vite le lien entre la mise en scène de ces meurtres et le rituel funéraire de l’Égypte antique. De plus ils ont tous lieu dans des endroits de Paris dont l’architecture porte l’influence de la mode égyptisante de l’époque ; fontaine du Fellah adossé au mur extérieur de l’hôpital Laennec, tombe à la mode pharaonique de Gaspard Monge au cimetière du Père-Lachaise ou les Montagnes égyptiennes créées sur le modèle des montagnes russes alors à la mode.
Pour découvrir l’identité du meurtrier le policier décide de poursuivre son enquête là où tout a commencé : dans une Égypte débarrassée des Mamelouks, mais soumise au pillage de collectionneurs d’antiquité plus ou moins recommandables. Il lèvera alors le voile sur les exactions des troupes françaises 20 ans plus tôt et sur un secret bien gardé.
Les éditions Nouveau Monde ont la bonne idée de rééditer, dans une belle intégrale de près de 150 pages, la trilogie « Pyramides » parue entre 2004 et 2006 aux éditions Emmanuel Proust. De quoi apprécier de nouveau le talent de scénariste du responsable de la rubrique « BD voyages » sur BDzoom.com : notre collaborateur Didier Quella-Guyot. Il a patiemment construit un polar historique intrigant. Le récit se déroule sur deux époques : durant la campagne d’Égypte en 1798-1799 et en 1820 quand un serial killer sévit dans le Paris de la Restauration.
Les deux temporalités sont parfaitement documentées : ce dont témoigne le dossier illustré en fin d’ouvrage. On y trouve une double page sur ce qu’il reste dans l’architecture de la capitale de la mode égyptisante du début du XIXe siècle et quelques précisions historiques du scénariste comme celle-ci à propos de la vision de l’Égypte en France à cette époque : « À la suite de la campagne d’Égypte, l’orientalisme fait son œuvre : l’Égyptologie s’installe via l’architecture ou les monuments qui ornent l’espace public parisien (pyramides sphinx, obélisques, fontaines, tombes…), le mobilier, la vaisselle, les bijoux, les textiles, la peinture. La capitale s’est dès lors « égyptisée » et de nombreux lieux encore existants servent ici de décors, une manière graphique pittoresque qu’il était visuellement très tentant de mettre en scène. Cela dit dans une BD historique, le réalisme documentaire est à ce point essentiel qu’il faut tout vérifier. »
Le dessin semi-réaliste de Sophie Balland se fait tout autant précis dans les décors du Paris du début du XIXe siècle que pour les paysages de l’Égypte de la campagne de Bonaparte ou de l’Alexandrie et du Caire de 1820. Si le découpage accorde la part belle aux personnages (souvent en dialogues), certaines séquences sensuelles prennent le temps de détailler les rondeurs des modèles nues de Paris ou des danseuses orientales Raqs Sharqi qui pratiquent la danse du ventre : terme justement inventé à l’époque de Napoléon en Égypte.
Nous vous conseillons donc de profiter de l’édition en intégrale de « Pyramides ». Cette bande dessinée historique est riche de plusieurs genres qui s’entremêlent en s’enrichissant : du polar classique à des histoires d’amour et du récit historique à une étude sociale et politique fouillée sans être pesante. De quoi en apprendre un peu plus sur les complots républicains sous la Restauration ou sur les exactions de l’armée d’Égypte en Orient.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Pyramides : l’intégrale » par Sophie Balland et Didier Quella-Guyot
Éditions Nouveau Monde (29,90 €) — EAN : 9782380947540
Parution 24 septembre 2025