En publiant « Deryn Du », Guillaume Sorel renoue avec la veine fantastique qui reste sa signature narrative, portée par un graphisme incomparable. Entrez dans cet univers onirique, beau comme la rencontre fortuite — sur une table de dessin — d’une machine à frissonner et d’un parapluie !
Lire la suite...« Deryn Du » : sa terre est bleue comme un orage…

En publiant « Deryn Du », Guillaume Sorel renoue avec la veine fantastique qui reste sa signature narrative, portée par un graphisme incomparable. Entrez dans cet univers onirique, beau comme la rencontre fortuite — sur une table de dessin — d’une machine à frissonner et d’un parapluie !
Unique, le trait de Guillaume Sorel est reconnaissable entre mille, caractérisé par son maniérisme baroque, son goût pour la courbe et la contre-courbe, aux antipodes de la sobriété de la ligne claire. Sorel a du style, et il saute aux yeux, loin des réalismes formatés, davantage encore de ceux malheureusement charpentés par la photographie sous-jacente. Sorel dessine.
Depuis toujours.Il rythme, cadence, transcende sa figuration. Le style, c’est l’homme. Déterminé et alambiqué. C’est le sien depuis son « Île des morts » avec Thomas Mosdi, voici plus de trois décennies maintenant. Avec l’expérience, le trait du sexagénaire dessinateur s’est enrichi de la pratique de la couleur, et notamment de la délicatesse de la couleur à l’eau. Mais l’essentiel demeure : cette énergie baroque rétive au classicisme.
C’est par ce dessin si original que l’amateur entre souvent dans la lecture de Guillaume Sorel. Ici, dans un récit tout aussi original, l’artiste puise dans son appétit pour la littérature fantastique et nous propose un album intitulé « Deryn Du » (l’oiseau noir, en gallois), qui paraît dans la prestigieuse collection Aire libre des éditions Dupuis. Brillant, son trait porte ce récit énigmatique situé sur le littoral gallois, au rythme lent (à raison de quatre à six cases par planche), à l’atmosphère étrange, teintée de mystérieux, de fantastique.
Le lecteur suit un héros au costume clair, entre un sombre univers maritime — celui d’un village gallois où d’inexplicables crimes sont perpétrés — et un univers sylvestre, presque édénique. Là, le bleu prédomine, couleur des fleurs tapissant le sol des clairières comme celle de papillons par dizaine. L’homme s’abreuve dans ce monde végétal, lit un volume, puis sommeille, paisible, lorsque se présente un bien étrange papillon dont le corps miniature est celui d’une femme nue… Cette femme aux cheveux noirs s’égaie alors dans le ciel, laissant le jeune homme coi, désemparé. Dès lors, il s’enfuit dans le tréfonds d’un bois tandis qu’apparaît une jeune fille aux cheveux également noirs, au seuil d’une clairière couverte de floraisons bleues. Une énigmatique jeune fille, qui court avec une kyrielle de papillons… Cette même jeune fille qui, auparavant, proférait de curieuses imprécations dans la pénombre d’un grenier. Qui est cet énigmatique personnage au comportement double ? Quelle est la nature de cette vengeance qui semble surplomber ces commissions criminelles ?
Riche de 136 pages, cet album esthétique, aux étranges atours romantiques, plaira aux amoureux du trait de Sorel, aux inconditionnels — comme l’auteur de ces lignes —, à tous ceux qui ont su préserver leur goût pour le mystérieux, aux amoureux de poésie onirique, de contes pour vieux enfants. Tremblez garnements, Sorel est un maître en la manière !
« Deryn Du » par Guillaume Sorel
Éditions Dupuis (25 €) — EAN : 9791034767557
Éditions Dupuis (35 €) — EAN : 9782808513708 (tirage de tête tiré à 999 exemplaires avec jaquette et frontispice inédit imprimé sur papier d’art, numéroté et signé)