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« Le Livre sans nom » : une énigme littéraire déjantée !

04/11/2025
Par Philippe Tomblaine

Un serial killer liquidant les lecteurs d’un énigmatique livre sans nom, deux flics très spéciaux, des moines férus d’arts martiaux, un tueur se prenant pour Elvis, une étrange pierre bleue ou encore une survivante vampirique devenue amnésique… Quelques ingrédients qui suffisent pour signifier que l’inspecteur Miles Jensen, chargé d’enquêter à Santa Mondega, n’est pas au bout de ses peines ! Débutée anonymement en 2006, la saga déjantée « Bourbon Kid » est enfin adaptée en BD. Au menu ? Un récit rock’n roll sous influence tarantinienne, monde mutant et décalé, explosivement installé au croisement des genres…

Couvertures des éditions anglo-saxonnes (2006-2025).

Couvertures des éditions françaises.

Une fois n’est pas coutume : commençons par remonter le temps afin d’installer une nécessaire chronologie littéraire… Le 8 juillet 2006, la plateforme d’auto-édition Lulu.com publia sur Internet « The Book With No Name », roman de 284 pages dont l’auteur souhaitait demeurer anonyme. Le titre attira cependant l’attention de l’éditeur anglais Michael O’Mara, qui fit paraitre l’ouvrage en Grande-Bretagne en 2007, avant qu’il ne soit diffusé et traduit dans 25 autres pays. En France, édité en juin 2010 par Sonatine sous le titre « Le Livre sans nom » (traduction par Diniz Galhos), ce thriller horrifique devint également un succès avec 56 000 exemplaires vendus. Intrigués, les fans et curieux découvrirent alors une intrigue centrée sur l’antihéros Bourbon Kid : un adolescent devenu un tueur en série aux pouvoirs surnaturels, après avoir bu de l’alcool frelaté… Traqué au fil des épisodes par divers groupes et gangs, il doit en outre arriver à contrecarrer les plans machiavéliques de plusieurs autres criminels. Initialement conçue comme un western, puis transposée à l’époque contemporaine, la série romanesque – totalisant (en 2025) 11 tomes et une nouvelle ; écoulée à plus de trois millions d’exemplaires) – s’est enrichie, depuis 2015, d’un deuxième tueur en série : connu sous le nom de Red Mohawk.

Sonatine Comix (2025)

Alternativement qualifiée d’« ovni littéraire » (Marianne), de « joyeusement délirante » (Rolling Stone), d’« univers improbable à la Robert Rodriguez » (Le Monde des livres), voire de « cinéma littéraire où le gore et l’humour vont de pair » (Madame Figaro), la saga « Bourbon Kid » véhicule ainsi depuis 20 ans les mystères inhérents à son créateur, régulièrement évoqué dans les médias sous le nom de Mr Anonyme. Un auteur sans nom pour un « Livre sans nom », donc, au profit d’une saga romanesque dont les couvertures noires et blanches, à l’identité visuelle oscillant au fil des éditions entre western, horreur et fantastique, n’auront pas manqué de déclencher les plus folles spéculations sur les réseaux : Mr Anonyme serait-il Quentin Tarantino, Robert Rodriguez, David Bowie… ou même le prince Charles ?!

Sonatine Comix (2025)

Jouant avec les codes (du polar aux ambiances super-héroïques héritées des comics, du roman noir au gothique, du western à l’horreur), la saga partage avec ses lecteurs un certain goût de la pop culture trash, de la musique qui décoiffe et de la violence vidéoludique jouissive. Entre cadavres qui s’amoncèlent et défouloir rock, rien ne vous sera épargné, l’humour outrancier et le sexe décomplexé en primes. Une tendance que les derniers volumes parus (« Tuer l’élite » en 2023 et « Noir comme l’enfer » en 2025) entérinent, à grands renforts de présidents déviants assassinés ou d’évocation… de l’improbable retour conjoint de Jack l’Éventreur et d’Hitler !

Couvertures anglo-saxonnes et française pour « Bourbon Kid T11 : The Return of Hitler » (2025 ; titre français : « Noir comme l'enfer »).

Publié par Sonatine Comix, la version BD traduit en 192 planches la plupart des éléments évoqués, dans une veine graphique volontiers underground, inspirée notamment d’ « Akira » et de « Walking Dead ». Dessiné par l’anglophone et franco-thailandaise Yello, l’album est imprégné des propres goûts de cette dernière : romans (« Misery » de Steven King, « I’m the King of the Castle » de Susan Hill, « La Servante écarlate » de Margaret Atwood, « Un inspecteur vous demande » de J.B. Priestley), cinéma (« Entretien avec un vampire », « Coraline », films des studios Ghibli), séries (« American Horror Story », « Castlevania », « Game of Thrones »)…, mais aussi et surtout comics et mangas (Marvel Comics, « Dorohedoro » par Q Hayashida, Junji Ito, Naoki Urasawa, « Akira », « Death Note »…).

Sonatine Comix (2025).

Réunissant ces influences mangas et comics, « Le Livre sans nom » n’a pas manqué de faire réagir les fans de la première heure. En couverture, Bourbon Kid (supposé avoir 34 ans dans « Le Livre sans nom ») apparait sur le pas d’une porte avec une sorte de cape, bien loin de son habituelle description vestimentaire romanesque (blouson en cuir, sweat à capuche). Nul doute cependant : l’antihéros, ex-massacreur de vampires et loups garous à Santa Mondega, se relance bien sur les traces de son père, Ishmael Taos, devenu le chef des moines de l’île d’Hubal. Rappelons que deux moines, Kyle et Peto, ont également été missionnés pour retrouver l’Œil de la lune : pierre magique censée conférer l’invulnérabilité à celui qui la porte… l’inspecteur Miles Jensen, chef de la brigade des affaires paranormales, devra tenter de comprendre quels sont les liens entre tous les personnages et l’énigmatique « Livre sans nom »… dont la lecture aura été fatale pour tous. Souhaitons en définitive qu’il ne vous arrive pas la même chose !