Road-trip hallucinant !

Autant le dire tout de suite, « Detroit Roma » est plus qu’une bande dessinée ! Avec au programme 352 planches réalisées dans différents styles graphiques à l’aquarelle, gouache et Bic, Elene Usdin et Boni (son fils) signent un livre incomparable et fascinant, qui alterne des séquences se situant entre Detroit, dans le Michigan, et Roma, en Géorgie. Bref, un road-trip de près de 3 000 km…

Detroit, 2015. À bord d’une vieille Ford Galaxy, deux jeunes filles, Summer et Becki, quittent Detroit vers le Sud pour des raisons différentes. Gloria souhaite rendre hommage aux racines italiennes de sa mère. Pour Becki, jeune femme noire dessinatrice, il s’agit plutôt de remonter la route de ses ancêtres esclaves. Elles vont ainsi de motel en motel, évoquant aussi pourquoi elles fuient Detroit, ville en faillite, une ville à « l’eau pourrie ».

Au fil des kilomètres et des étapes, elles se racontent, se livrent, se délivrent : souvenirs de jeunesse, secrets de familles, réflexions sociétales… Les portraits des pères et mères respectifs sont ainsi au cœur des échanges, nombreux – mais c’est Becki qui raconte l’histoire – tant les relations ont souvent été compliquées, voire conflictuelles. Il y a du passé, et beaucoup de passif ! Et Summer et Becki n’ont pas du tout les mêmes origines sociales.

Il y a régulièrement des pages, voire des doubles pages aux décors saturés de détails décors. Comme le personnage de Selva, mère de Becki, qui ramasse les poubelles et récupère tout ce qu’elle trouve, transformant peu à peu sa maison « en musée des merveilles ou des horreurs selon certains ». Ce côté « syndrome de Diogène », autrement dit syllogomanie ou accumulation compulsive, est à l’œuvre visuellement et oblige à s’arrêter, à observer, à fouiller les décors.

De la même façon, la représentation des routes s’entremêlant, des pâtés de maisons ou des rayons de magasins s’agglutinant donnent de cette Amérique une vision étonnante, sans oublier les illustrations plus métaphoriques qui démontrent une inventivité de tous les instants et un exigence graphique époustouflante. Parallèlement, le cinéma américain nourrit abondamment ces pages (films listés en fin d’album).

 

Rappelons qu’Elene Usdin, avait signé un premier roman graphique, « René.e aux bois dormants », également chez Sarbacane, qui reçut le Grand Prix de la Critique ACBD 2022 : un album étonnant et presque hallucinant que ces « voyages » de René inspirés de rêves d’enfant et d’un vrai cauchemar, celui de l’enlèvement de milliers d’enfants autochtones par l’état canadien que nous avions chroniqué ici-même. Elene Usdin y manifestait déjà un art du spectacle omniprésent et multiforme.

Didier QUELLA-GUYOT

Sur BDzoom.com : http://bdzoom.com/author/DidierQG/

Sur L@BD :  https://basenationalelabd.esidoc.fr, et sur Facebook.

« Detroit Roma » par Elene Usdin et Boni

Éditions Sarbacane (35 €) – EAN : 9782377319145

Parution 5 novembre

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