Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
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Best-seller de ce début d’été, « Seuls » se poursuit pour un deuxième cycle encore plus interrogatif, malgré les révélations du 5ème volume. Depuis la fin du précédent tome, qui clôturait le premier cycle, on sait en effet, maintenant, pourquoi les enfants sont seuls : ils sont morts ! Mais le suspense, lui, reste bien vivant !
« Nous avions besoin de faire cette révélation, nous explique Fabien Vehlmann, même si la réaction des lecteurs nous inquiétaient un peu. » Il est vrai qu’ils sont attachants ces gamins qui se retrouvent livrés à eux même dans une ville dépeuplée d’adultes, même s’ils n’ont pas tous le même sens de la sociabilité. Bruno Gazzotti confirme : « J’ai eu beaucoup de mal à dessiner la fin du premier cycle, tant il me faisait de la peine que ces enfants soient morts. Ca m’a donné un vrai coup de cafard », poursuit-il. « Mais les réactions les plus inattendues ne sont pas venues des enfants, mais de leurs parents », souligne Fabien Vehlman qui explique que les adultes trouvent la thématique et le traitement de la série trop difficilement supportables pour les enfants, là où ces derniers vivent très bien le récit et le plébiscitent.
De son coté, le dernier scénariste en date des aventures de « Spirou et Fantasio » a vécu différemment cette fin de cycle : « J’étais dans la suite, nous explique-t-il. C’est triste mais j’avais déjà fait le travail de deuil pour m’attacher à l’énergie restant à dégager car, paradoxalement, malgré leur situation, ces enfants incarnent la vie ». Et de développer : « Nous avions besoin de cette révélation pour aller plus loin dans le récit et poursuivre l’intrigue». Et avec force de crédibilité, le récit s’attache à toujours se situer à la frontière entre le fantastique et la réalité, à l’image cette fameuse quatrième dimension et demie, sorte d’espace-temps entre la vie et la mort et » qui pourrait être une théorie rationnelle acceptable pour les lecteurs « , précise le scénariste en ajoutant :« On a beaucoup comparé « Seuls » à la série TV « Lost ». Mais « Seuls » continue là où « Lost » s’arrête ».
Des influences et références, les deux auteurs n’en manquent évidemment pas, de « Sa majesté des mouches » à « Je suis une légende », en passant par « La Planète des singes » et même la sympathique bande dessinée de Roba « La Ribambelle ». Mais ils créent, avec cette connaissance, une œuvre totalement originale qu’ils élaborent en commun : « Nous discutons beaucoup et notre confiance réciproque nous permet d’explorer les idées de l’autre sans parti pris », disent-il en cœur. Ainsi, le fameux « enfant-mystère », tel que l’ont nommé les lecteurs, dont la présence fantomatique hante de manière – semble-t-il – aléatoire le récit, est-il une idée du dessinateur de « Soda ». Un Bruno Gazzotti qui, loin d’en être effrayé, prend énormément de plaisir avec le nombre de personnages à dessiner et la richesse urbaine de l’environnement. Il prend même du plaisir à truffer les décors de nombreux détails : « Quand j’étais gamin, nous dévoile-t-il en riant, j’avais un copain qui avait un casque. J’en étais terriblement jaloux. Alors, dans « Seuls », je mets des casques partout ! »
Au fil des albums, cette « Robinsonnade urbaine », comme la qualifie le scénariste de « Seuls » a donc trouvé son public, de plus en plus important, au point de se hisser en tête des meilleures ventes. L’attente des lecteurs se fait donc de plus en plus prononcée à chaque sortie d’album : « C’est la raison pour laquelle la série, souligne Fabien Vehlmann, initialement prévue en trois cycles de cinq volumes, devrait finalement connaitre des cycles plus courts », de quatre albums, et des sorties plus rapprochées entre épisodes « si ça ne se fait pas au détriment de la qualité », précisent les deux auteurs.
Laurent TURPIN
« Seuls » T6 (« La Quatrième dimension et demie ») par Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann
Éditions Dupuis (10,45 euros)
Le site officiel : http://www.seuls-labd.com