Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
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Un écrivain en mal d’inspiration arrive par une nuit de tempête dans une auberge perdue de la côte bretonne, en un lieu où des événements tragiques se sont produits soixante ans auparavant.
L’aubergiste commence alors à lui narrer l’étrange histoire d’Iréna. Cette nouvelle série, à classer dans la catégorie des récits historique matinée de merveilleux, trouve visiblement son inspiration dans les romans fantastiques du début du XIXe siècle. Tout nous ramène à cette grande tradition des Nodier et autres Barbey D’Aurevilly, héritée des récits de veillée : depuis les procédés narratifs, notamment la mise en ambiance dans une région mystérieusement vidée de ses habitants, jusqu’à la trame romanesque emboîtée, propre aux contes, en passant par le cadre âpre et désolé d’une auberge battue par le vent du large. Mais le parti pris fantastique penche assez rapidement vers l’intrusion avérée d’un surnaturel qui puise ses références dans le bestiaire celte et le folklore d’une Bretagne superstitieuse. Le dessin semi réaliste, qui joue ici le rôle dévolu dans les romans aux détails sociologiques destinés à fonder la véracité du récit, manifeste toute sa force grâce à sa précision ethnologique et à son univers chromatique de couleurs en lavis à dominante de gris bleu, particulièrement adaptée aux représentations des nuits de tempête. Une oeuvre prenante qui sonne juste.
Joël DUBOS
L’auberge du bout du monde, t.1, La fille sur la falaise, Prugne, Oger, Casterman, 9,50 euros