Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
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Décidément, Thierry Groensteen (le responsable du label l’An 2 chez Actes Sud) aime bien les romans graphiques réalisés par des femmes : c’est d’ailleurs ce qui explique aussi sa présence dans le jury du prix Artémisia, lequel milite pour la promotion de la bande dessinée féminine.
En effet, après Chantal Montellier, Jeanne Puchol, Sandrine Martin, Anne Herbauts, Geneviève Gauckler, Pénélope Paicheler, la Tchèque Lucie Lomova, la Néerlandaise Judith Vanistendael, voici qu’il édite à nouveau l’Allemande Barbara Yelin, laquelle nous propose ici, à notre humble avis, son meilleur livre ou du moins le plus accessible à un large public !
Ancienne élève de l’illustratrice allemande Anke Feuchtenberger (à qui l’on doit « La Putain P. », publié en France aux éditions L’Association) à l’école des Beaux-Arts de Hambourg, cette Berlinoise fait partie du collectif de dessinatrices qui publie la revue Spring dans son pays d’origine et elle a vu ses deux premiers livres traduits chez nous par l’An 2 : « Le Visiteur » en 2004 et « Le Retard » en 2006.
Pour raconter le destin de l’empoisonneuse Gesche Gottfried (exécutée en 1831, cette femme est l’équivalent germain de notre Landru national puisqu’elle confessa avoir empoisonné quelque quinze personnes dont ses parents, ses deux maris, son fiancé et ses enfants), elle s’est associée, pour la première fois, à un scénariste : il s’agit de Peer Meter, écrivain proche du milieu théâtral qui avait déjà commencé à s’intéresser au cas de cette tueuse en série en en tirant une pièce de théâtre, en 1995. Le principal intérêt (mais c’est loin d’être le seul) de cette intense évocation en bande dessinée d’une affaire criminelle qui secoua terriblement la ville de Brême, c’est l’évocation réussie de toute cette bonne société allemande de l’époque angoissée par les débuts de l’industrialisation. Ajoutez à cela un très agréable trait charbonneux, des dialogues bien écrits et une narration aussi vive qu’efficace, et vous obtiendrez l’un des meilleurs romans historiques en bande dessinée de ce premier semestre 2010 !
Gilles RATIER
? L’Empoisonneuse ? par Barbara Yelin et Peer Meter
Éditions Actes Sud – l’AN 2 (22 Euros)