Revenant au dessin et aux fondamentaux de ses débuts — à une époque où il privilégiait la gaudriole, le grand guignol et la liberté graphique, ce qui était notamment le cas dans le recueil intitulé « Nocturnes » —, Régis Loisel nous gratifie d’un étonnant et magnifique album, de très belle facture, aux éditions Rue de Sèvres : « La Dernière Maison juste avant la forêt », avec l’aide scénaristique de son ami Jean-Blaise Djian. Une histoire foisonnante — de 160 pages — située dans un univers loufoque, délirant, aux limites du fantastique, mais qui est remplie de bons sentiments, et où l’on retrouve tout l’amour pour l’humanité du cocréateur de « La Quête de l’oiseau du temps » ou de « Magasin général » !
Lire la suite...« L’Homme de l’année T5 : 1871 » par Benoît Dellac et Jean-Pierre Pécau
En matière d’exotisme ou de voyage, la fameuse « semaine sanglante » de la Commune, épisode tragique et mémorable de 1871, semble hors-sujet. C’est vrai, sauf si l‘on imagine dans ce maelström révolutionnaire, la présence d’un individu étranger, malmené, piégé par les dits événements. C’est le cas d’Abdullah…
La couverture signée Manchu représente un étonnant soldat, juché sur une tombe du Père-Lachaise, fusil à la main. Il est qui plus est habillé à l’orientale, avec chechia, vêtements à parements et séroual (pantalon bleu ou blanc, ample avec de nombreux plis). Que fait-il là ? En 1871 ! Il lutte tout simplement avec les Communards contre les Versaillais. Il faut remonter 20 ans plus tôt pour comprendre qui est cet homme et ce qu’il fait sur les barricades parisiennes. Vingt ans plus tôt, il n’était qu’un enfant, quelque part, non loin des sources du Nil. C’est là qu’en cadeau on donne cet enfant à la peau noire à Antoine d’Abbadie, un militaire français. Ce dernier le ramène chez lui, à Hendaye, l’élève et l’instruit. Mais l’instruction donne des ailes, pousse à la révolte et à l’indépendance, c’est sa vertu, qui qu’on en pense ! Et Abdu s’émancipe pour finalement intégrer l’armée et ses combats… Il n’est pas seul, d’autres « turcos » sont à ses côtés.
« Turcos » : c’est le surnom qu’on donne aux tirailleurs algériens depuis la Guerre de Crimée (1855-1856). On les retrouve, dans ces pages, à Solferino et Magenta, en 1869 ; puis en Kabylie où ils « pacifient ». Enfin à Alger, toujours en 1869 ; puis en Alsace, en 1870 (oui, l’année 1871 n’est ici, en quelque sorte, qu’un produit d’appel) ; enfin, c’est Paris, où notre lettré Turco va rencontrer Jules Vallès et finalement se laisser séduire par Louise Michel…
Parce qu’il a écrit une nouvelle très courte intitulée « Le Turco de la Commune » (elle figure dans ses « Contes du lundi »), Alphonse Daudet est cité en fin d’album. Mais Daudet s’est lui-même inspiré d’une histoire vraie, celle de cet esclave affranchi que ramena effectivement Antoine d’Abbadie dont le château se visite toujours à Hendaye et dont le vestibule exhibe la statue d’Abdullah.. .
Alors, bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/
« L’Homme de l’année T5 : 1871 » par Benoît Dellac et Jean-Pierre Pécau
Éditions Delcourt (14,50 €) – ISBN : 978-2-7560-2917-7









