Un premier voyage dans les Terres australes et antarctiques françaises — retranscrit dans le très bel ouvrage « Voyages aux îles de la Désolation » — n’a pas rassasié le dessinateur Emmanuel Lepage (1) : 12 ans après, en 2022, il embarque à nouveau pour les îles Kerguelen. N’ayant pas pu, lors de sa première excursion, vivre au plus près le quotidien de tous ceux qui travaillent sur cet archipel au relief montagneux d’origine volcanique, situé au sud de l’océan Indien, il y reste cette fois-ci deux mois et demi : s’attachant donc plus aux personnes qui partent avec lui, tout en montrant les changements déjà à l’œuvre sur la nature, en raison du réchauffement climatique. Du beau, écologique et humaniste, voire quasiment poétique, récit de voyage en BD !
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Ça y est, Manu Larcenet a mis le mot fin à son faux polar aussi sombre que dérangeant : un long thriller bien noir en bande dessinée, dont certaines interrogations trouvent enfin leurs réponses avec ce quatrième tome ; comme la présence de mystérieuses statues de l’Île de Pâques dans ces sortes d’orgasmes éthyliques que le « héros » appelle le « blast ». Depuis 2009, on suit donc l’errance de Polza Mancini, obèse auteur d’ouvrages gastronomiques d’à peine quarante ans qui, lorsqu’il a appris le décès de son père, a sombré dans la dépression et a décidé de tout laisser tomber pour devenir quasi clochard. Ou, du moins, ce qu’il veut bien raconter, pendant sa garde à vue, à deux policiers qui l’interrogent sur ce qu’il a pu faire à Carole Oudinot, jeune fille qu’il est soupçonné d’avoir assassiné, après son séjour en hôpital psychiatrique. Et nous, lecteurs, nous n’avons plus aucun doute : cette descente aux enfers est un véritable chef-d’œuvre du 9e art.
En effet, il s’agit d’un roman graphique psychanalytique exigeant, où chaque bribe de l’histoire se répond parfaitement. Cela a dû, d’ailleurs, nécessiter une rigueur incroyable pour que le fil du récit ne nous échappe jamais.
On pourrait même commencer avec ce dernier acte, sans avoir lu les précédents, et se faire embarquer de la même façon par ce témoignage halluciné d’un cas psychiatrique hors du commun : sur le plan narratif, cet ultime volume, dense et concentré, est mené d’une façon magistrale, n’offrant comme seuls répits que quelques expérimentations graphiques où Larcenet alterne compositions naturalistes colorées, joyeux dessins d’enfants et strips comiques signés par son complice et ami Jean-Yves Ferri (avec qui il réalise l’amusante série « Le Retour à la terre »).
Son propre graphisme, quant à lui, reste noir de chez noir (comme son propos), avec quand même un peu de gris par-ci par-là, mais il semble surtout plus élégant et plus fluide. Il est même peut-être encore plus abouti que sur les tomes précédents, notamment au niveau des expressions des différents protagonistes qui, elles, paraissent plus subtiles au milieu de cette atmosphère poisseuse si bien retranscrite, où l’équilibre entre fantasmes et réalité se dégrade au fur et à mesure que l’on avance vers la vérité… Et, évidemment, cela ne peut pas se finir bien…
Gilles RATIER
« Blast T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent » par Manu Larcenet
Éditions Dargaud (22,90 €) – ISBN : 978-2205 — 07273-0











