Un premier voyage dans les Terres australes et antarctiques françaises — retranscrit dans le très bel ouvrage « Voyages aux îles de la Désolation » — n’a pas rassasié le dessinateur Emmanuel Lepage (1) : 12 ans après, en 2022, il embarque à nouveau pour les îles Kerguelen. N’ayant pas pu, lors de sa première excursion, vivre au plus près le quotidien de tous ceux qui travaillent sur cet archipel au relief montagneux d’origine volcanique, situé au sud de l’océan Indien, il y reste cette fois-ci deux mois et demi : s’attachant donc plus aux personnes qui partent avec lui, tout en montrant les changements déjà à l’œuvre sur la nature, en raison du réchauffement climatique. Du beau, écologique et humaniste, voire quasiment poétique, récit de voyage en BD !
Lire la suite...« Le Périple de Baldassare » T1
Baldassare officie dans le commerce de livres rares lorsqu’un client vient lui réclamer le livre mythique d’Abou-Maher al Mazandarani, intitulé « Le Centième nom » (qui est censé révéler le nom caché d’Allah). On est en 1665, à Gibelet (la Byblos libanaise), à la veille d’une année prétendument apocalyptique. Or, peu de temps après, un vieil homme offre ce livre au bouquiniste qui le revend pour lui venir en aide, mais trop tard, il vient de mourir?
Alors Baldassare décide de retrouver l’incunable, d’autant que son envie de voyager est très forte. C’est l’occasion ou jamais. Il part accompagné de ses neveux et, notamment, de la veuve Marta, une femme belle et envoûtante qui veut savoir si son mari est vraiment décédé. Dès lors, la quête bibliophilique se double d’une tribulation amoureuse : Tripoli (au nord de Beyrouth, Liban), Alep (Syrie), Constantinople où on les accuse injustement d’un incendie qui les oblige à fuir vers Smyrne (actuelle Izmir). « Quelle folie m’a poussé au voyage ? » se demande, finalement, Baldassare. C’est ce que nous saurons dans la suite de l’adaptation en trois tomes du roman, éponyme, d’Amin Maalouf, publié en 2000, dont la paternité n’est reconnue, très curieusement et plutôt discrètement, qu’en quatrième de couverture ! Pour l’auteur de « Léon l’Africain » autrement plus renommé qu’Alessandra, ce n’est pas très élégant même si le dessinateur lui rend hommage en fin d’album dans un petit carnet de dessins de voyage. Alessandra est en effet un expert dans l’art d’esquisser les décors et de poser ses personnages, le tout joliment aquarellé.

On avait découvert Joël Alessandra avec « Fikrie« , à la Boite à bulles en 2006. Son héros d’alors, Tom, débarquait en Afrique de l’Est dans l’ombre littéraire de Rimbaud et se laissait séduire par le pays et par une belle
Ethiopienne, Fikrie, amoureuse ou intrigante ? Inspirée des déambulations africaines de l’auteur, l’histoire était déjà l’évocation d’une relation amoureuse, presque un carnet de bord sentimental, n’excluant pas des indications sociales et ethnographiques tout à fait intéressantes.
Dans « Dikhil« , l’année suivante, chez Paquet, c’est l’histoire de Paolo qui s’installe dans le petit village de Dikhil, à Djibouti. Il y vit chichement, se fait des amis, profite de l’existence. Alors qu’il rejette l’idée de l’enfance et de la mort, coup sur coup, les événements le rappellent à la réalité : la maladie d’un enfant, le cancer de son propre père puis le sida de son ami Yassin.
Au bilan, un très beau travail en pages bicolores complété d’un journal plus personnel sur les sources autobiographiques de l’album où l’auteur manie toujours l’aquarelle avec aisance.
En 2009, il dessine deux polars, l’un, ludico-déjanté : » Instinct sauvage » (sur scénario d’Hervé Fréhel, KSTR, 2009); l’autre chez Paquet, » Bad atmosphère « . Lié à l’assassinat en pleine rue du PDG d’un grand groupe pétrolier, puis à d’autres meurtres de personnes influentes dans les milieux pétroliers.
N’oublions surtout pas deux carnets de voyage magnifiques : » Fierté de fer : carnet de voyage sur le train djibouto-éthiopien » sur des texte d’Elmi et Jeancolas (Paquet, 2008) et » Retour du Tchad : expédition sur les traces d’André Gide » (La Boîte à bulles, 2010) où Alessandra illustre les textes de ses acolytes voyageurs de dessins aquarellés sur le vif. Il y réalise également plusieurs planches, adaptant en BD le texte d’André Gide (Ce carnet dénonce également l’inquiétante baisse des eaux des fleuves et du lac Tchad et les problèmes environnementaux qui en découlent).
Pour le moins, entre fictions et reportages… Bons voyages,
Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et blog)
» Le Périple de Baldassare » T1 ( » Le Centième nom « ) par Joël Alessandra, d’après Amin Maalouf
Éditions Casterman (14 €)









