Revenant au dessin et aux fondamentaux de ses débuts — à une époque où il privilégiait la gaudriole, le grand guignol et la liberté graphique, ce qui était notamment le cas dans le recueil intitulé « Nocturnes » —, Régis Loisel nous gratifie d’un étonnant et magnifique album, de très belle facture, aux éditions Rue de Sèvres : « La Dernière Maison juste avant la forêt », avec l’aide scénaristique de son ami Jean-Blaise Djian. Une histoire foisonnante — de 160 pages — située dans un univers loufoque, délirant, aux limites du fantastique, mais qui est remplie de bons sentiments, et où l’on retrouve tout l’amour pour l’humanité du cocréateur de « La Quête de l’oiseau du temps » ou de « Magasin général » !
Lire la suite...Vilnius, au temps du communisme…
On oublie un peu vite que les Pays Baltes (Estonie, Lituanie, Lettonie) ont connu, comme l’Allemagne de l’Est, le joug soviétique et que la chute du Mur de Berlin, en 1989, a également libéré ces états jusque-là dominés, contrôlés, ficelés… Raconté par une petite fille de 7 ans et dessiné aux crayons de couleur, cela donne un album témoignage tout à fait intéressant…
À travers le regard d’une enfant, c’est l’histoire de toute une famille qui nous est racontée, l’histoire et surtout les déboires, notamment ceux d’un oncle envoyé au goulag pour des affiches contraires au discours officiel, condamné pour « trahison, révolte et trouble à l’ordre public ». Il y restera 5 ans, le temps d’échanger avec les codétenus, tous politiques, sur les avantages et les inconvénients du communisme.
La narratrice évoque aussi la vie des apparatchiks, c’est-à-dire les membres haut placés de l’appareil du parti communiste, des individus privilégiés dans une société qui prône l’égalité, la communauté. Les propriétés dans lesquelles ils vivent, les commerces secrets dans lesquels ils sont les seuls à accéder, les produits qu’ils peuvent consommer quand partout ailleurs c’est la pénurie, la rareté, notamment celle des petits poids, « détail » auquel renvoie le titre, tout cela est évidemment insupportable.
D’un côté, le beau discours sur un pays soi-disant « le meilleur qui exister », matraqué à longueur de temps pour formater les esprits ; de l’autre, l’inégalité criante entre ceux qui n’ont rien (et qui n’ont rien à dire !) et les privilégiés ! La surveillance des habitants est de tous les instants et l’absence de liberté évidemment criante, dans un monde où on ne choisit ni son travail, ni son logement, ni rien, avec un corollaire la méfiance systématique envers les autres car il y a des espions partout !
En 1989, tout bascule et la Lituanie proclame son indépendance dès 1991. On pourra d’ailleurs en profiter pour lire « Le Mur de Berlin » (raconté aux enfants, mais lisible par tous) par Fabrice Erre et Sylvain Savoia, un petit album des éditions Dupuis qui sort ces jours-ci et qui résume parfaitement l’histoire et les enjeux de ce mur lamentable.
Encore un mot sur le dessin aux crayons de couleur qui donne à première vue un côté enfantin à l’album, et à première vue seulement, car le trait est finalement assez mûr et cela fonctionne très bien. Seul le vocabulaire plutôt branché pour faire jeune (« méga, dégueu, cool »…) est un peu surjoué, mais on s’y fait !
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« La Boite de petits pois » par Holly R et GiedRé
Éditions Delcourt (15, 50 €) – ISBN : 978-2-7560-9920-0











