« Les Maîtres de guerre T1 : Patton » : gloires et controverses…

Entre champs de batailles et traumatismes, la Deuxième Guerre mondiale nous a légué le souvenir d’officiers immensément populaires : tel George S. Patton, pugnace combattant de la Tunisie jusqu’aux Ardennes. Un général charismatique, devenu l’archétype du héros viriliste américain et qui inaugure, chez Delcourt, une nouvelle série conceptuelle dédiée aux « Maîtres de guerre ». L’album, scénarisé par Jean-Pierre Pécau, nous donne l’occasion de redécouvrir ce personnage complexe, dont l’audace tactique et les conceptions prémonitoires continuent d’impacter l’histoire militaire…

Un fameux discours... (planche 1 - Delcourt, 2025).

Parution liée aux actuelles commémorations de la Deuxième Guerre mondiale oblige, « Les Maîtres de guerre » T1 coïncide également avec l’anniversaire de la mort (accidentelle) de Patton en Allemagne, le 21 décembre 1945. Cette série conceptuelle historique, qui suit notamment « Les Machines de guerre » (sept volumes consacrés aux chars par J.-P. Pécau entre 2016 et 2024), n’est pas sans évoquer quelques essais précédents : la collection Les Grands Capitaines (dix tomes parus chez Dargaud de 1981 à 1984), ainsi que les albums militaristes et biographiques publiés par Bamboo/Grand Angle, Glénat, Orep, Plein Vent ou les éditions du Triomphe. Sans se limiter aux années 1939-1945 et ses emblématiques Leclerc, Rommel, Joukov ou MacArthur, la série devrait aborder d’autres périodes, comme l’indique « Lawrence d’Arabie » : T2 programmé pour octobre 2025.

Patton en mars 1943, avant sa promotion au grade de général « quatre étoiles » (14 avril 1945).

Dessiné de façon réaliste par les Italiens Mauro Salvatori et Fabrizio Faina, « Patton » démarre aux premières heures de la bataille des Ardennes (16 décembre 1944-25 janvier 1945). Textes et planches soulignent, sans détours, le caractère bien trempé du plus célèbre général américain quatre étoiles de la Seconde Guerre mondiale, armé de son non moins fameux pistolet à crosse d’ivoire. Né en 1885 dans une famille de forte tradition militaire, passé par l’académie de West Point, Patton (devenu l’assistant personnel du général Pershing) participe notamment aux combats du corps blindé américain à partir d’août 1918. Chantre de la guerre mécanisée, gravissant tous les échelons hiérarchiques, il est à la tête de la 2e division blindée lors de l’entrée en guerre des USA fin 1941. Parmi ses faits d’armes : l’opération Torch au Maroc (1942), la conduite de la 7e armée lors de l’invasion de la Sicile, l’opération de désinformation (Fortitude) destinée à tromper les Allemands sur le lieu exact du débarquement de juin 1944, la bataille de Normandie, puis Bastogne. Lorsque débute l’album, Patton est l’un des rares généraux – sinon le seul… – à avoir anticipé une potentielle contre-attaque ennemie sur les Ardennes. Le 16 décembre 1944, sous les ordres du maréchal von Rundstedt, 250 000 soldats allemands déferlent sur le point faible du dispositif allié et progressent rapidement vers la Meuse, lors d’un des hivers les plus rudes que l’Europe ait connu. Devant un Eisenhower et un haut commandement incrédules, en 48 heures, Patton allait parvenir à déclencher sa remarquable opération planifiée, permettant de retirer six divisions complètes de la ligne de front pour permettre de sauver les forces américaines (101e division aéroportée) encerclées à Bastogne.

La bataille des Ardennes (planches 2 et 4 - Delcourt, 2025).

Tour à tour philosophe et parfaitement grossier (« On ne vous demande pas de mourir pour votre pays, mais que le salaud d’en face meure pour le sien » ; « Quand nous atteindrons Berlin, je vais personnellement abattre ce gibier de potence de fils de pute de Hitler. Juste comme j’abattrais un serpent ! »), de style ostentatoire (casque lustré, pantalon et bottes d’équitation) et grand orateur, fataliste et intraitable, grand croyant et persuadé d’être la réincarnation d’un grognard napoléonien ou d’un légionnaire romain, passionné d’Histoire et anticommuniste, arrogant et tacticien hors-pair, Patton fut à la fois le plus adulé et le plus détesté des grands officiers de la Deuxième Guerre mondiale. D’où le surnom de Blood and Guts donné au Vieux, en raison de son tempérament colérique et intransigeant. Autant de facettes que l’on retrouve successivement en couverture et sur la première planche de l’album : clin d’œil à un célébrissime discours de Patton adressé à la 3e armée, dans les jours précédents le Débarquement. Une scène similaire à l’ouverture mémorable du film « Patton » (Franklin J. Schaffner, 1970) et à l’interprétation culte de George C. Scott, consacrés par sept Oscars dont ceux du meilleur film et du meilleur acteur… Scott ayant du reste refusé le sien !

Une volonté surprenante ! (planche 7 - Delcourt, 2025).

Passant d’une scène et d’une anecdote à l’autre (dont les tentatives d’assassinat), ne négligeant rien ni des propos imagés ni des capacités de meneur d’hommes de Patton, l’album permet assurément de mieux comprendre le destin de celui qui légua un héritage militaire considérable. Un dossier documentaire de huit pages complète l’approche de ce général atypique.

Philippe TOMBLAINE

« Les Maîtres de guerre T1 : Patton » par Mauro Salvatori, Fabrizio Faina et Jean-Pierre Pécau

Éditions Delcourt (16,50 €) — EAN : 9782413038887

Parution 28 mai 2025

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