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« Fuck ze Tourists »: la BD franco-belge a l’assaut du surtourisme !

21/06/2025
Par Henri Filippini

Pour les amateurs de bandes dessinées humoristiques certifiées franco-belges, les propos ne peuvent qu’être bon enfant, les dessins d’une sagesse irréprochable : dans le but de ne pas troubler les jeunes lecteurs. Les sieurs Zidrou et Éric Maltaite, natifs du plat pays — mais, il est vrai, exilés en Espagne depuis belle lurette —, démentent ces croyances ancestrales avec une bonne dose d’humour corrosif. Après avoir joyeusement tourné en dérision l’univers impitoyable d’Hollywood (1), ils s’attaquent avec la même férocité aux vacanciers des temps modernes : ces maîtres en goujaterie envers les populations locales.

Au fil d’une douzaine de récits, le lecteur est invité à fouler les lieux les plus emblématiques du tourisme de masse. De la Venise menacée et saturée par les navires de croisière géants à un petit îlot paradisiaque des Maldives victime de la montée des eaux, en passant par le Machu Picchu piétiné par les hordes de touristes, Val d’hiver station branchée privatisée, l’Afrique à la recherche du dernier rhinocéros, l’Espagne et son organisation terroriste nommée Fuck Ze Tourrists ou encore Bruxelles et ses monuments surréalistes, le touriste est partout, exigeant, critique, beauf, inculte… et surtout doté d’une bêtise incurable. Cet ouvrage réunit une somptueuse brochette de couples pour la plupart mûrissants, aventuriers sans scrupule, à la conquête d’une planète en danger. Osant tout, mais toujours avec un humour féroce, les deux auteurs poussent jusqu’à l’extrême l’absurdité du tourisme de masse, avec ses conséquences irréversibles sur la nature. Sous un graphisme au premier abord classique, Éric Maltaite propose une galerie de personnages à l’aspect lambda dissimulant de dangereux individus contents d’eux, car inconscients de leur rôle de prédateurs. Derrière l’humour, c’est à une sérieuse réflexion sur nous-mêmes, et sur la destination de nos prochaines vacances que nous convient Maltaite et Zidrou, au fil d’un album qui fait mine de ne pas se prendre au sérieux.

Éric Maltaite.

Né le 23 février 1958 à Bruxelles Éric Maltaite est le fils du grand Will, dessinateur de « Tif et Tondu », mais aussi d’œuvres plus personnelles. Dès l’enfance, il baigne dans l’univers de la BD, côtoie les grands auteurs de l’hebdomadaire Spirou. Ses premiers travaux avec le scénariste Stephen Desberg sont publiés dans Tintin, puis Spirouoù il anime « La Famille Hérodius ». En 1980, le duo crée « L’Agent 421 ». Éric Maltaite dessine « Mono Jim » avec Denis Lapière dans L’Écho des savanes et « Carmen Lamour » aux éditions P & T. Après avoir réalisé en solitaire « Robinsonne » et « Les 1001 Nuits de Shéhérazade », il publie « Zambada » avec Jean-Pierre Autheman (au scénario) chez Glénat. Il adopte un trait plus humoristique avec « Les Campeurs », puis « Les Fondus » chez Bamboo. À partir de 2014, avec Stéphane Colman, il propose la trilogie « Choc » mettant en scène le héros culte campé par son père. Il débute une longue collaboration avec Zidrou signant « L’Instant d’après » chez Dupuis, puis en 2022 « Hollywooland » pour Fluide glacial. Se libérant rapidement de l’influence de son père, Willy Maltaite est un dessinateur éclectique de premier plan, dont la gamme graphique est étendue.

Zidrou.

Benoît Drousie, qui signe du pseudonyme Zidrou, est né le 14 avril 1962 à Anderlecht. Après avoir été instituteur pendant six ans, il écrit des chansons pour enfants, et devient secrétaire de rédaction de la revue Tremplin où il imagine « L’Élève Ducobu » pour Godi. Il se lance dans le scénario seul ou avec Falzar, sous la signature les Potaches. Il écrit « Oscar et Margot Pluche » pour Carine de Brab chez Casterman.

Pour Spirou, il écrit « Les Crannibales » pour Jean-Claude Fournier, « Le Boss » pour Philippe Bercovici, « Tamara » pour Christian Darasse… Au début des années 2000, il propose des histoires réalistes très vite remarquées par la critique : « Les Beaux Étés » pour Jordi Lafebre, « La Peau de l’ours » pour Oriol, « L’Adoption » pour Arno Monin, « La Baleine bibliothèque » pour Judith Vanistendael… Il écrit aussi « Boule à zéro » pour Serge Ernst chez Bamboo. Enfin, il reprend d’anciennes séries : « Clifton », « Chlorophylle », « Ric Hochet », « Léonard », « Le Marsupilami », « La Ribambelle »… Il est aujourd’hui reconnu comme un scénariste à la biographie imposante, jonglant avec talent entre humour, nostalgie et réalisme.