Victor Dixen est l’un des maîtres français contemporains du fantastique. Le romancier excelle dans le genre fantasy avec des séries comme « Le Cas Jack Spark », « Phobos » ou « Vampyria ». Il invente un préquel en bande dessinée à ses deux romans de « L’Agence Perdido », avec le premier volume d’une série annoncée : « Rita Perdido ». Il y détaille la jeunesse de l’héroïne, de Santiago à Paris, et sa rencontre avec de dangereux croquemitaines dans le sous-sol francilien. Un premier tome bien construit, singulier et intrigant.
Lire la suite...La jeunesse de Rita Perdido dans les années 1980 : entre le Chili de Pinochet et un Paris dangereux…

Victor Dixen est l’un des maîtres français contemporains du fantastique. Le romancier excelle dans le genre fantasy avec des séries comme « Le Cas Jack Spark », « Phobos » ou « Vampyria ». Il invente un préquel en bande dessinée à ses deux romans de « L’Agence Perdido », avec le premier volume d’une série annoncée : « Rita Perdido ». Il y détaille la jeunesse de l’héroïne, de Santiago à Paris, et sa rencontre avec de dangereux croquemitaines dans le sous-sol francilien. Un premier tome bien construit, singulier et intrigant.
Santiago 1982, cela fait presque dix ans que Pinochet a installé sa dictature. Les opposants sont traqués, torturés et éliminés. Rita Perdido, 14 ans, a grandi sous un régime de terreur. Son père a réussi à faire passer à l’étranger des démocrates menacés par la junte militaire, mais maintenant c’est lui qui est en danger. Il est obligé de dévoiler à sa fille les pouvoirs surnaturels qu’il partage avec elle : celle des Retrouveurs.
Ils peuvent pénétrer dans un monde parallèle, ce qui est pratique pour fuir les sbires de Pinochet, mais cet univers est dangereux, car peuplé de croquemitaines : des créatures avides, capables de tuer pour le plaisir.
Le père et la fille s’exilent à Paris, en se cachant à la fois de la police politique chilienne et des créatures venues d’un autre monde. Ils survivent en enquêtant sur les chiens disparus dans les arrondissements chics. Ce qui les amène sur les traces d’un terrible danger qui se terre sous les pavés de la capitale, entre le jardin du Luxembourg et le parc Monceau.
À la suite d’une maladresse de Rita, son père est pris en chasse par des hommes aux costumes sombres. Il tombe dans la Seine et ne reparait pas. Sans logement, sans argent et désespérée, Rita trouve fort heureusement l’appui de Rüdiger : un jeune Allemand qui s’est évadé d’un cachot de la Stasi (la terrible milice est-allemande). Ensemble, ils peuvent lutter contre les terribles croquemitaines et essayer de retrouver, si cela est possible, les traces du père de Rita.
« La Clé des champs » est le premier volume d’une trilogie annoncée. Les tomes suivants seront publiés en septembre 2026, puis 2027. Le récit est fort bien construit autour du parcours d’une réfugiée chilienne de Santiago jusqu’au Paris des années 1980. On ressent à la lecture de l’album l’ambiance des eighties ; des publicités aux musiques de l’époque. L’existence de Rita Rodriguez est crédible, elle dispose d’une épaisseur psychologique, car c’est l’héroïne de la série de romans « Agence Perdido » qui se déroule 40 ans plus tard. L’écrivain explique ainsi son attachement à ce personnage et pourquoi il est passé d’une forme romanesque à la bande dessinée :
« Rita est le personnage le plus emblématique des romans – après tout, c’est elle qui donne son nom à l’agence éponyme spécialisée dans le retrouvage des objets, des personnes et des souvenirs volés par les croquemitaines. Mais en même temps, c’est aussi le personnage le plus mystérieux de la série romanesque : une dame à l’âge indéfinissable et au passé trouble, le visage constamment caché sous un chapeau à voilette, qui ne semble se nourrir que de thé et ruminer de douloureux souvenirs. Cela m’a donné envie de creuser le passé de la dame en noir. J’ai souhaité le faire d’une autre manière que l’écriture romanesque : à travers la bande dessinée. Justement parce que c’est un média graphique, qui donne à voir. Voir ce qu’il y a derrière la voilette. Derrière les secrets. Au fond du passé. »
Maître du fantastique, traduit en 12 langues, Victor Dixen excelle à créer des ambiances angoissantes dans un monde réaliste. Il laisse sourdre une violence contenue, davantage devinée que montrée. Les déboires de son héroïne au caractère complexe, mais profondément attachante, est le fil rouge d’un récit aux multiples rebondissements.
Le style graphique de l’Italien French Carlomagno, entre réalisme européen et efficacité narrative des meilleurs comics, – développée lors de son travail pour plusieurs éditeurs américains -, est en adéquation avec le récit : suffisamment horrifique quand il faut l’être et totalement crédible dans sa restitution du Paris d’il y a 40 ans déjà. Un jeune lecteur, dès les débuts du collège, peut s’engager dans la lecture de « Rita Perdido » à la découverte d’un Paris à double fond.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Rita Perdido T1 : La Clé des champs » par Frenche Carlomagno et Victor Dixen
Éditions Bayard (12,50 €) — EAN : 9791036365256
Parution 17 septembre 2025