« On les appelle Junior & Senior » : pour quelques gnons de plus…

Deux frères volontiers bagarreurs, un mince et un gros, dans une ambiance western survoltée… Voici Junior et Senior embarqués dans une mission improbable, afin d’échapper à la prison : kidnapper dans un pensionnat Karina, la fille illégitime d’un sénateur véreux. Incapable d’identifier sa cible, voici notre duo parti finalement à l’aventure, en compagnie de six espiègles fillettes. L’occasion pour Robin Recht et Jean-Baptiste Hostache de rendre un savoureux hommage au western-spaghetti humoristique : sous-genre ré-accommodé aux fayots et aux baffes, façon Terence Hill et Bud Spencer ! Une aventure hilarante et explosive, où les courses-poursuites et les coups de feu parlent aussi de paternité, avec une tendresse désarmante…

Trinita et les duos comiques comme références...

Affiche de René Ferracci pour « La Grande Vadrouille » (1966).

Un petit, souvent rusé, rapide et/ou séducteur ; un gros, gourmand, taciturne et/ou quasi-invulnérable. Astérix et Obélix ? Laurel et Hardy ? Mario et Luigi ? Si les duos comiques (Bourvil et Louis de Funès, Johan et Pirlouit, Tif et Tondu, Jean Reno et Christian Clavier, etc.) et autres stars de buddy movies (Roger Moore et Tony Curtis, Mel Gibson et Danny Glover, Tommy Lee Jones et Will Smith, etc.) sont devenus des clichés de la bande dessinée, du petit ou du grand écran, observons que les œuvres évoquées en creux ont souvent su habilement jouer du grand écart : entre humour débridé et thèmes forts (la mort, la famille, l’amour, la solitude, la guerre, l’exil, le racisme, etc.).

Il était une fois le bagne (planches 5 et 6 - Lombard 2025).

Avec « On les appelle Junior et Senior », les auteurs renvoient immanquablement à un univers devenu culte : le western-spaghetti, filon italien désignant près de 450 productions réalisées entre 1963 et 1978, dont les cultissimes œuvres de Sergio Leone. Plus encore, c’est la déviation humoristique du genre, entamée par Enzo Barboni en 1970 avec « On l’appelle Trinita », qui est explicitement évoquée comme référence. Suivant l’immense popularité de titres comme « Le Bon, la Brute et le Truand » (S. Leone, 1966), « Django » (Sergio Corbucci, 1966) ou « Le Grand Silence » (S. Corbucci, 1968), la série des « Trinita » (composée de « On continue à l’appeler Trinita » (1971) et « Maintenant, on l’appelle Plata » (1972), films associés à quatre autres opus plus anciens et retitrés) allait à son tour permettre aux producteurs de dynamiter malicieusement le western hollywoodien. Citons pour mémoire des films de série B loufoques ou particulièrement cyniques tels « Sabata » (Gianfranco Parolini, 1969) et « Un génie, deux associés, une cloche » (Damiano Damiani, 1975), sans oublier l’autoréférentiel « Mon nom est Personne » (S. Leone et Tonino Valerii, 1973). Truffés d’antihéros crasseux, cupides, misogynes, ivrognes et individualistes, a priori plus prompts à dégainer pour le bien de leur portefeuille que pour se mettre au service d’une noble cause, ces films influenceront comme on le sait à la fois la bande dessinée (« Mac Coy », « Durango » , « Bouncer », « Undertaker »…), le cinéma contemporain (« Mort ou vif » par Sam Raimi en 1995 ou « Django Unchained » par Quentin Tarantino en 2012) et le jeu vidéo (« Call of Juarez » en 2006, « Red Dead Redemption » en 2010…).

Illustration promotionnelle.

Encrage de la planche 80.

Graphiquement, Junior et Senior sont des parallèles décalés de Bud Spencer (1929-2016) et Terence Hill (né en 1939), acteurs italiens (aux pseudonymes anglo-saxons) moqués par la critique, mais devenus cultes, auxquels un documentaire a récemment rendu hommage (« Terence Hill, Bud Spencer… et moi », février 2025 ; voir aussi « Terence Hill, un cow-boy pacifique », réalisé en 2024). Comme les auteurs le précisent, « Junior et Senior » T1 est également inspiré par les films d’Hayao Miyazaki (notamment « Porco Rosso », 1992) et par le western humoristique en BD : ce, de « Lucky Luke » aux aventures de « Gus » par Christophe Blain (Dargaud, 2007-2017), en passant par les récentes cavalcades de « Ducky Coco » (Anouck Ricard, 2024). Jean-Baptiste Hostache explique ainsi : « Nous avions l’intention de faire de la BD populaire, d’être couillons, légers, tendres et nostalgiques. Cette nouvelle aventure, c’est une déclaration d’amour à une forme de récits qui ont été – à une époque – un référentiel commun à l’échelle de toute une société : les westerns-spaghettis, Astérix… Des œuvres qui continuent de toucher tous les âges, qui dépassent les marqueurs socio-culturels. »

Du passage de 4 à 3 strips...

Storyboard pour la planche 60.

Entrainés dans un scénario où ils doivent apprendre à composer avec six gamines facétieuses et désarmantes, Junior (nonchalant coureur de jupons) et Senior (ours mal léché et acariâtre) parlent aussi aux lecteurs… de paternité : « Je crois que c’est la première fois que je me sens “Papa” de personnages », souligne Robin Recht (« Julius », « Elric », « La Cage aux cons » ou « Thorgal Saga : Adieu Aaricia »). « Les enfants c’est (très) fatiguant, c’est plein de soucis et d’angoisses, mais c’est avant tout un océan d’amour dans lequel on plonge. Le fait que Jean-Baptiste et moi ayons été papa dans les mêmes années a beaucoup contribué à donner la note tendre de l’album. »

Publicité pour la version Canal BD (Lombard 2025).

Recherches pour la couverture et le dossier de presse.

De fait, ce premier opus de « Junior et Senior » se veut être transgénérationnel, enrichi par le dessin très vivant et expressif de Jean-Baptiste Hostache : « Je donne des traits assez peu réalistes à mes personnages. Ils sont caricaturaux : des gros nez, des mentons, des sourcils qui dépassent du chapeau… Mais la couleur me dit que leur expérience est réelle. » Rompu à la véritable histoire de la culture US, après avoir dessiné les deux tomes de « Il était une fois l’Amérique : une histoire de la littérature américaine » (Les Arènes, 2024), Hostache, habitué du concept art et du storyboard, crée des planches où transpirent la grande aventure de l’Ouest et l’humour : une pure comédie westernienne salutaire, qui a invité entre deux coups de poing la nostalgie et la douceur…

« Tais-toi et galope... » (p. 9 ; Lombard 2025).

Philippe TOMBLAINE

« On les appelle Junior & Senior » T1 par Jean-Baptiste Hostache et Robin Recht

Éditions du Lombard (19,95 €) — EAN : 9782808214049

Parution 12 septembre 2025

Édition spéciale Canal BD par Jean-Baptiste Hostache et Robin Recht

Éditions du Lombard (29,50 € ; 112 pages ; édition limitée en coffret, avec couverture originale et trois ex-libris ; 1 000 exemplaires) – EAN : 9782808217873

Parution 12 septembre 2025

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