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Spirou et Fantasio dans « Le Trésor de San Inferno » : le retour aux fondamentaux !

20/09/2025
Par Henri Filippini

Depuis trop longtemps, les aventures de « Spirou et Fantasio » se perdent dans des univers plus ou moins improbables, où le meilleur cohabite avec le pire. Faisant oublier que « Spirou et Fantasio » était, à l’origine, une série d’aventure classique, à la fois drôle et palpitante, dont le seul but était de divertir ses lecteurs. Avec ce nouvel album, les auteurs reviennent aux fondamentaux de la série, permettant aux héros de s’offrir une belle tranche d’humour et d’exotisme, comme le grand André Franquin aimait les dessiner.

À bord d’une Jeep, Spirou, Fantasio et le Marsupilami se rendent à San Inferno : un pauvre village d’Amérique centrale, dont les grottes abriteraient un habitat troglodyte. Un îlot imaginaire perdu dans le désert et ignoré de tous. Au grand désespoir de Fantasio, le trio est bientôt rejoint par la pétillante Seccotine, laquelle flaire le bon reportage. De quoi agacer le compagnon de Spirou qui compte bien exploiter seul ce qu’il considère comme le scoop du siècle : photographier le squelette d’un extra-terrestre découvert parmi les défunts entassés dans les catacombes du village. Accueillis par Sonia, l’imposante épouse du maire décédé depuis un an,nos héros affrontent dès leur arrivée la colère de Rodrigo : un villageois opposé aux projets de Sonia de révéler au monde l’existence de San Inferno et attirer les touristes. Au cours de ses recherches, Spirou dégage un passage censé le conduire à la cité de l’or — que les anciens baptisaient Horado ou El Dorado…

Ce récit qui fleure bon la grande aventure exotique teintée d’humour est écrit par un Lewis Trondheim en grande forme, lequel joue avec les codes de la série. L’exercice parfaitement exécuté permet au lecteur de retrouver le charme des grands épisodes classiques dessinés par Franquin. Le scénariste multiplie avec malice les poncifs du genre, qu’il accompagne d’une avalanche de gags. Il utilise habilement les personnages et plus particulièrement le Marsupilami (on peut toutefois regretter l’absence de ce brave Spip, ce qui est rare dans l’ensemble de la série).

Fabrice Tarrin, qui rêvait d’emmener les héros dans un désert, signe son troisième album dédié à Spirou et Fantasio, écrit sur mesure pour lui. Sans plagier Franquin, il propose des pages dynamiques, aux personnages qui respirent une sympathie que n’aurait pas reniée le grand créateur belge.

Fabrice Tarrin.

Né à Neuilly-sur-Seine le 30 novembre 1971, Fabrice Tarrin étudie le dessin à l’école Estienne. Il publie ses premiers travaux en 1991, dans la rubrique « Zig Zag » de Spirou. La même année, il entre à l’atelier Nowak, auprès de Joann Sfar, Christophe Blain, David B, Émile Bravo… et Lewis Trondheim, puis en 1995 à l’atelier des Vosges. Il publie, en 1997, son premier album : « Les Aventures de Monsieur Tue-Tout » — écrit par Fred Neidhardt —, qui paraît chez Soleil. En 2000, pour Spirou, il crée « Violine » avec Tronchet (Didier Vasseur). Trois épisodes sont dessinés par ses soins, puis la série se poursuit sous le crayon de Jean-Marc Krings. En 2006, il propose « Le Tombeau des Champignac », écrit par Yann, puis ébauche « La Jeunesse héroïque de Fantasio » resté sans suite, enfin en 2020 « Spirou chez les Soviets » écrit par Fred Neidhardt. On lui doit aussi « Le Journal intime d’un lémurien » en 2008, issu de son blog, puis « Maki », en 2010, dans Spirou, « Le Parcours d’un puceau » en 2012 chez Vent d’Ouest et l’adaptation du « Secret de la potion magique » chez Albert René en 2018. On lui doit encore en 2004 le scénario, avec Neidhardt, de « Nestor et Polux ! » — pour O’Groj — dans Pif gadget.

Lewis Trondheim.

Pour dessiner le présent récit, Fabrice Tarrin s’est inspiré des albums d’André Franquin situés entre « La Corne du rhinocéros » et « Le Prisonnier du Bouddha ». Celle où le génial dessinateur dessinait comme il respirait… en toute liberté. Un excellent choix ! Il prépare « Opération Lune » : un autre Spirou et Fantasio “Classique”, avec Fred Neidhardt et Cédric Ghorbani au scénario.

Lewis Trondheim, pseudonyme de Laurent Chabosy, né le 11 décembre 1964 à Fontainebleau, ne se présente plus. Co-fondateur des éditions L’Association, il est l’auteur d’une multitude d’ouvrages comme scénariste ou dessinateur, dont les séries « Donjon » avec Joan Sfar, « Lapinot », « Ralph Azham »… sans oublier la collection Shampooing qu’il dirige aux éditions Delcourt. Il aborde un autre univers de Franquin en 2024 avec « El Diablo » : une aventure du Marsupilami dessinée par Alexis Nesme. À l’aise dans tous les domaines, il excelle dans les reprises des créations classiques, tel le présent ouvrage.

Henri FILIPPINI