Après le succès de ses très réussis « Shangri-La » et « Carbone & Silicium » — où il explorait les théories des paradoxes temporels, puis les conséquences des progrès technologiques sur la détérioration de l’homme —, Mathieu Bablet (1) aborde le récit postapocalyptique dans sa nouvelle grande fresque de science-fiction proposée dans le Label 619 désormais hébergé par les éditions Rue de Sèvres. Dans un lointain futur, les insectes pollinisateurs ont disparu à la suite de bouleversements climatiques… et la Terre est devenue aride et stérile. Une biologiste a pour mission de retrouver les traces génétiques des abeilles, dans l’espoir de revenir au monde d’avant. Une fable écologique et initiatique, aussi complexe qu’envoûtante, qui nous donne furieusement envie d’aller de l’avant !
Lire la suite...« Astérix en Lusitanie » : unis dans la diversité…

Un beau matin de printemps, un ancien esclave lusitanien vient demander de l’aide aux irréductibles Gaulois… Ainsi débute « Astérix en Lusitanie » : 41e aventure imaginée par Fabcaro et Didier Conrad, duo d’auteurs formé autour de « L’Iris blanc » en 2023. Adversité oblige, nos héros vont avoir fort à faire avec les épreuves imposées par l’occupant romain, lié au traitre Pirespès… À moins que les légendaires mœurs mélancoliques de ce Portugal antique ne perturbent nos amis ! Incontournable événement éditorial de l’année, cet opus suit de manière ensoleillée les valeurs prônées par Goscinny et Uderzo, plus de 65 ans après la création d’un véritable mythe du 9eart…
S’enrichissant d’une destination inédite tous les deux titres, la série « Astérix » (initialement baptisée « Une aventure d’Astérix le Gaulois » jusqu’à « Astérix chez les Belges » - le tome 24 – en 1979) ne pouvait décemment plus passer à côté du Portugal : l’ouest de la péninsule ibérique étant plébiscité par de très nombreux lecteurs depuis plusieurs années. Si les auteurs préfèrent réfléchir en termes de scénario et de contenus, voyons toutefois que Fabcaro, à la suite de « L’Iris blanc », avait plutôt envie « d’un album lumineux, aux ambiances baignées de lumière ». Une atmosphère parfaitement traduite au fil des différentes planches, cases et couvertures (promotionnelles ou finalisées) dévoilées ces dernières semaines, lesquelles ont livré quelques précieux indices aux lecteurs : le voyage maritime et la présence romaine, les traditions et spécialités lusitaniennes (vêtements et habitat, carrés de faïences décorés (azulejos) et morues mises à toutes les sauces), le vil antagoniste embusqué (Pirespès) et la personnalité caricaturée (l’humoriste britannique Ricky Gervais, sous les traits du centurion expatrié Nouvelopus) et les clins d’œil aux classiques ou albums précédents. Ce dans la mesure où le premier plat d’ « Astérix en Lusitanie » reprend les cadrages et mouvements de la couverture d’« Astérix en Corse » (T20, 1973), tandis que la typographie du titre renvoie au verdoyant lettrage employé pour ce même album ou pour « Astérix chez les Pictes » (T35, 2013).
Autre clin d’œil et autre lien notable : c’est un ancien esclave lusitanien anonyme (ici baptisé Boulquiès par Fabcaro), caricature physique de l’écrivain Fernando Pessoa (1888-1935), entraperçu jadis dans « Le Domaine des dieux » en 1971, qui vient demander aide et potion magique aux Gaulois. Si la présence de seconds rôles lusitaniens est également décelable dans « Astérix et la Transitalique », ce retour malicieux souligne essentiellement la valeur de l’amitié tissée entre les personnages de l’univers gaulois. Une thématique éternelle, chère à Goscinny et Uderzo, désormais défendue par leurs héritières respectives : Anne et Sophie. Autre parallèle et autre thématique : la résistance à l’oppresseur romain. Avec Vercingétorix comme symbole identitaire pour les uns, et le vaillant Viriate (Viriathe ou Viriato) pour les autres. Naviguant vers la Lusitanie au fil des premières planches, Astérix et Obélix, lors d’une séquence flashback, découvrent ainsi le destin de ce berger devenu chef de guerre vers –150 av. J.-C., mais malheureusement trahi par trois de ses proches. Ainsi naquit la fameuse saudade, terme intraduisible et sorte de « désespoir amusé » (dixit Didier Conrad) : mélancolie teintée par les sourires et l’espoir de lendemains plus heureux…
Peuple décrit depuis l’Antiquité comme convivial et accueillant, les Lusitaniens recouvraient une région englobant la partie sud du fleuve Douro, dans l’actuel Portugal, ainsi que l’Estrémadure espagnole. Alliés des Carthaginois en – 218, les peuples lusitaniens s’opposent au conquérant romain jusqu’au principat d’Auguste. Entre -155 et -139, la Guerre lusitanienne confronte Viriate aux troupes romaines du prêteur Galba, à la suite d’une violation de la trêve et d’un massacre commis par l’occupant. Devenue province romaine en –197, la Lusitanie fait alors partie de l’Hispanie ultérieure. Aujourd’hui, le terme « lusitanien » est plus directement employé pour qualifier la race des chevaux issue de cette région. Une somme historique et une documentation nécessaires à Fabcaro et à l’éditeur Céleste Cérugue, lesquels auront parcouru une partie du Portugal pendant trois jours en mars 2024, afin de pouvoir renvoyer de précieuses photos à Didier Conrad.
Comme souvent avec l’univers d’Astérix, actualité et chiffres donnent le tournis… Ayant célébré ses 65 ans en octobre 2024, le fier Gaulois a successivement fait son entrée au musée Grévin, été honoré par un timbre collector de La Poste, vu passer 200 000 visiteurs dans l’exposition immersive organisé aux Bassins des lumières de Bordeaux, permis que 200 000 repas soient servis par les Restos du cœur (bénéfices des ventes du livre de recettes « Les Banquets d’Astérix »), triomphé dans 190 pays grâce à la série animée « Le Combat des chefs », totalisé 2,84 millions de visiteurs au Parc Astérix… et 65 millions depuis l’ouverture du complexe touristique (avril 1989), lequel fêtait aussi ses 35 ans en 2024 ! Le tout sans compter la deuxième saison d’« Idéfix et les irréductibles » (diffusée dans 23 pays), le lancement d’un escape game en réalité virtuelle (« Astérix : mission potions ! »), un numéro hors-série de Géo (voir ci-dessous), ni les cinq millions d’exemplaires annoncés d’« Astérix en Lusitanie », titre traduit dans 19 langues et dialectes. Point de mélancolie donc : comme à chaque nouvel album, entre les versions classique et numérique, l’édition luxe (enrichie des crayonnés et d’une partie making-of) ou le coffret artbook, il devrait de nouveau y en avoir pour tous les goûts… Surtout si vous appréciez les saveurs et plats à la morue !
Philippe TOMBLAINE
« Astérix T41 : Astérix en Lusitanie » par Didier Conrad et Fabcaro
Éditions Hachette et Albert René (10,90 €) — EAN : 978-2017253709
Parution 23 octobre 2025
Version luxe - Éditions Hachette et Albert René (42 € – 128 pages) — EAN : 9782017253716
Parution 23 octobre 2023
Artbook - Éditions Hachette et Albert René (200 € – 112 pages) – EAN : 9782017253723
Parution 26 octobre 2023
La fille d’Albert Uderzo se prénomme Sylvie… pas Sophie !
Bein amicalement,
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