Sortie en Italie en 2014, la bande dessinée « Un dragon en forme de nuage » est enfin traduite en France ! Il s’agit d’un scénario écrit par Ettore Scola (« Nous nous sommes tant aimés », « Affreux, sales et méchants » ou encore « Une journée particulière »), mais que le célèbre réalisateur transalpin n’avait jamais tourné. Cette belle histoire, sensible et émouvante, avec pour protagoniste un libraire parisien des bords de Seine, est mise en images à l’aquarelle par un autre monstre sacré, mais du 9e art celui-là : Ivo Milazzo, le dessinateur de la série western « Ken Parker ».
Lire la suite...Le scénario d’un film abandonné d’Ettore Scola adapté en BD par Ivo Milazzo !
Sortie en Italie en 2014, la bande dessinée « Un dragon en forme de nuage » est enfin traduite en France ! Il s’agit d’un scénario écrit par Ettore Scola (« Nous nous sommes tant aimés », « Affreux, sales et méchants » ou encore « Une journée particulière »), mais que le célèbre réalisateur transalpin n’avait jamais tourné. Cette belle histoire, sensible et émouvante, avec pour protagoniste un libraire parisien des bords de Seine, est mise en images à l’aquarelle par un autre monstre sacré, mais du 9e art celui-là : Ivo Milazzo, le dessinateur de la série western « Ken Parker ».
Ce scénario de long métrage fut écrit — sous la forme d’un texte littéraire permettant toutefois de saisir la voix des personnages et le ton du film — par Ettore Scola, avec la complicité de sa fille Silvia (par ailleurs autrice et scénariste) et de son ami Furio Scarpelli (caricaturiste et prolifique auteur pour le cinéma).
Il devait être produit par Medusa Film, sous le titre provisoire d’« Un drago a forma di nuvola », et le projet était bien engagé : les repérages à Paris avaient commencé, les décors de la librairie où se déroule le récit étaient en construction et le casting était en grande partie bouclé, avec Gérard Depardieu dans le rôle principal, ainsi que Nastassja Kinski et Marie Gillain pour les deux protagonistes féminines.
C’est alors que le propriétaire de Medusa Film, qui n’était autre que Silvio Berlusconi (à l’époque président du Conseil des ministres, et en plein conflit d’intérêts du fait de son empire médiatique) fit déclarer à son porte-parole que si cette structure produisait les films d’un communiste comme Scola, la nature démocratique et « l’ouverture d’esprit » de son gouvernement étaient plus que garanties.
Cette phrase malheureuse provoqua la colère du mythique cinéaste. Il décida, alors, qu’il ne réaliserait plus un seul film tant que Berlusconi occuperait une quelconque fonction politique. Et c’est pourquoi « Un drago a forma di nuvola » ne fut jamais tourné ! Bien plus tard, en 2021, donc après la parution de l’adaptation de la première mouture du scénario en BD, un long-métrage basé sur ce scénario fut finalement réalisé en Italie, sous le titre « Il Materiale Emotivo », par Sergio Castellitto, avec lui-même, Matilda De Angelis et Bérénice Bejo.
Mais revenons à la BD qu’Ivo Milazzo proposa de transposer pour le 9e art, alors qu’Ettore Scola était encore vivant… D’après sa fille, le cinéaste n’a pas hésité et, aujourd’hui, grâce aux éditions Fordis, passionnées par la bande dessinée italienne traditionnelle, les lecteurs français peuvent découvrir cette histoire singulière, d’amour et de sacrifice, mais aussi de générosité et d’égoïsme.
Pierre tient une librairie qui semble intemporelle et il vit au rythme du va-et-vient de clients sporadiques et d’habitués fidèles comme Tony, le serveur du bar de l’angle de la rue (émigré italien farfelu qui est toujours mécontent du pays qui l’a accueilli, il y a plus de 15 ans), ou l’aimable et beau docteur qui rend régulièrement visite à Albertine : la fille paraplégique de Pierre, clouée dans son fauteuil à la suite d’un traumatisme infantile. C’est elle la narratrice d’« Un dragon en forme de nuage »…
Elle vit dans le grenier aménagé en appartement au-dessus de la librairie depuis des années, incapable de parler. Alors, elle crée sa propre existence en reconstruisant celle des autres, en se basant sur les bruits qu’elle entend sortir de l’officine d’en bas ou à travers les romans que son géniteur lui lit tous les soirs. 
Immobilisée par la maladie, elle développe des opinions acerbes et mordantes sur chaque événement qui la touche : des émotions dures et amères qu’elle ne parvient pas à exprimer, et qui sont promptement déformées par son entourage. Elle se retrouve, également, être la geôlière de son veuf de père, lequel est tiraillé entre ses devoirs envers une fille qu’il tient à garder en vie et un amour inattendu qui vient de débarquer, sans prévenir, entre ses amoncellements de livres…
Le crayon et les aquarelles d’Ivo Milazzo (1) font des miracles sur cette touchante histoire d’amour pas comme les autres. Il faut dire que ce dessinateur, reconnu et adulé dans son pays d’origine, connaît parfaitement son métier d’auteur de BD : d’ailleurs, il l’enseigne à l’Académie des beaux-arts de Carrare, depuis 2023, après avoir créé, avec le scénariste Giancarlo Berardi, la série emblématique « Ken Parker » (mais aussi « Tiki », « Tom’s Bar », « Marvin, il détective », etc.) et avoir travaillé pour Sergio Bonelli Editore sur « Nick Raider », « Tex Willer », « Magico Vento » (« Esprit du vent » en France)…
Gilles RATIER
(1) Sur Ivo Milazzo, voir notamment sur BDzoom.com : Ivo Milazzo.
« Un dragon en forme de nuage » par Ivo Milazzo et Ettore Scola
Éditions Fordis (24 €) — EAN : 9791095720614



















