Avec la complicité habituelle de Doug Headline (le fils du célèbre écrivain), le Grand Prix d’Angoulême en 1990 s’est attaqué avec brio à une nouvelle mise en images d’un roman noir de la figure tutélaire du polar francophone : Jean-Patrick Manchette. Il s’agit, après « Morgue pleine » (déjà adapté en BD par les mêmes auteurs), de la seconde — et donc dernière ! — enquête du détective privé Eugène Tarpon. Elle est parue en 1976 dans la collection Super Noire des éditions Gallimard et elle fut tournée pour le cinéma sous le titre « Pour la peau d’un flic » par et avec Alain Delon, en 1981. Drôle et efficace, « Que d’os ! » imbrique de patibulaires personnages hors normes dans des situations plus qu’improbables.
Lire la suite...« Un misérable petit tas de secret » : Canardo dans le temps !
Ca manquait ! S’il y a un personnage de BD qu’on n’imaginait pas flirter avec les délires spatio-temporels, c’était bien Canardo. Cela dit, comme on l’imaginait, le canard détective n’en est pas fana non plus.
Mais quand il s’agit d’harceler un pauvre lâche au cours des tristes étapes de son existence misérabiliste, la tentation devient trop grande pour notre canard détective .
Le lâche en question s’appelle Maurice Molard. Il a récupéré un butin aux allemands au cours de la dernière guerre et n’en a restitué qu’une partie. Ce qu’il a gardé pour lui, il a promis à sa fille de lui donner avant de mourir. Une promesse qu’il ne tiendra pas, poussant son dernier souffle avant d’indiquer la cachette aux lingots. Alors la fille, plus éplorée par la perte du magot que par celle de son père se résout à faire appel à Canardo. Avec raison, tant notre cynique anti-héros préfère la méchanceté à la médiocrité.
Donc, grâce à sa machine à remonter le temps, Canardo va « suivre » Maurice tout au long de sa vie pour découvrir où il a planqué le trésor. Insidieusement, à chaque épisode « clé » de la vie du pauvre lâche qui n’a hérité des lingots que par la trahison, Canardo intervient et s’immisce dans la vie de Maurice. Pour lui faire prendre conscience de son état, pour le faire payer pour tous les autres comme lui et toutes les tares accumulées à travers une vie faites de petits riens ordinaires. Et Canardo semble prendre plaisir à ce jeu pervers. A travers Maurice Molard, il se sent vengeur de toutes les victimes des lâches et médiocres de tous bords.
Par petites touches, sans s’embarrasser d’une morale restrictive, et progressivement, Sokal ne s’épargne aucune critique de l’être humain. On retrouve avec plaisir le héros palmipède de Benoit Sokal, toujours cynique, mal poli, mal fringué, mal « tout ».






