On le sait, l’Espagnol Josep Homs (1) est un dessinateur aussi original que talentueux : il nous l’a prouvé à maintes reprises, ne serait-ce qu’avec sa série « Shi » écrite par Zidrou, dont il prépare le sixième épisode, toujours chez Dargaud. Par ailleurs, avec cet étonnant et glaçant roman graphique de 100 pages qu’il met lui-même en couleurs (et quelles couleurs !) — où une jeune juive très indépendante peut voir et converser avec une incarnation du diable —, il devient, pour la première fois, son propre scénariste. Tout en ressuscitant le mythe du golem et en reprenant le thème philosophique du bien et du mal, il nous démontre que le manipulateur n’est pas toujours celui qu’on croit !
Lire la suite...« Un misérable petit tas de secret » : Canardo dans le temps !

Ca manquait ! S’il y a un personnage de BD qu’on n’imaginait pas flirter avec les délires spatio-temporels, c’était bien Canardo. Cela dit, comme on l’imaginait, le canard détective n’en est pas fana non plus.
Mais quand il s’agit d’harceler un pauvre lâche au cours des tristes étapes de son existence misérabiliste, la tentation devient trop grande pour notre canard détective .
Le lâche en question s’appelle Maurice Molard. Il a récupéré un butin aux allemands au cours de la dernière guerre et n’en a restitué qu’une partie. Ce qu’il a gardé pour lui, il a promis à sa fille de lui donner avant de mourir. Une promesse qu’il ne tiendra pas, poussant son dernier souffle avant d’indiquer la cachette aux lingots. Alors la fille, plus éplorée par la perte du magot que par celle de son père se résout à faire appel à Canardo. Avec raison, tant notre cynique anti-héros préfère la méchanceté à la médiocrité.
Donc, grâce à sa machine à remonter le temps, Canardo va « suivre » Maurice tout au long de sa vie pour découvrir où il a planqué le trésor. Insidieusement, à chaque épisode « clé » de la vie du pauvre lâche qui n’a hérité des lingots que par la trahison, Canardo intervient et s’immisce dans la vie de Maurice. Pour lui faire prendre conscience de son état, pour le faire payer pour tous les autres comme lui et toutes les tares accumulées à travers une vie faites de petits riens ordinaires. Et Canardo semble prendre plaisir à ce jeu pervers. A travers Maurice Molard, il se sent vengeur de toutes les victimes des lâches et médiocres de tous bords.
Par petites touches, sans s’embarrasser d’une morale restrictive, et progressivement, Sokal ne s’épargne aucune critique de l’être humain. On retrouve avec plaisir le héros palmipède de Benoit Sokal, toujours cynique, mal poli, mal fringué, mal « tout ».