Lors de sa création en 1959 dans les pages de Pilote, Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon avaient fait de Barbe-Rouge un pirate sanguinaire surnommé le Démon des Caraïbes, puis le Roi des sept mers. De retour dans le monde de la bande dessinée depuis 2020, après une longue absence de 15 années, c’est en corsaire du roi de France que le bouillant pirate renaît de ses cendres. Pour le plus grand plaisir des lecteurs nostalgiques, mais aussi pour une nouvelle génération de lecteurs qui apprécient les histoires bien écrites et les dessins soignés. Larguons les amarres, l’aventure avec un grand A nous attend !
Lire la suite...« Les Louves » par Flore Balthazar
En mai 1940, la Belgique est envahit en 18 jours. À la Louvière, à 50 km au sud de Bruxelles, la famille Balthazar va devoir survivre sous l’occupation, privée d’un père capturé par l’ennemi. En dépeignant le quotidien de Marcelle et Yvette, l’autrice raconte tant l’éveil des consciences que les espoirs et les tragédies vécues par ses ancêtres. Inspirées par le journal de son aïeule, les 190 pages de ce récit choral permettent à Flore Balthazar de retracer les années de guerre avec une grande justesse…
Constituant le fil rouge de l’album, le personnage de Marcelle Balthazar (grand-tante de l’autrice) naît dans les années 1920 à la Louvière, ville de Wallonie située entre Mons et Charleroi. Comme 226 000 autres soldats belges faits prisonniers, son père Louis Balthazar (35 ans) sera envoyé dans un stalag, au sud-est de l’Allemagne. Durant de longs mois, femme, proches et enfants doivent réapprendre à vivre avec les pénuries, les alertes aériennes, le travail obligatoire et l’oppression allemande. Les premiers actes de résistance – des signes de la victoire tracés à la craie sur un mur ou au tableau noir – sont aussi dérisoires qu’essentiels. En parallèle du destin des enfants Balthazar, « Les Louves » racontent aussi la résistance, notamment celle de l’institutrice Marguerite Bervoets : cette membre active de la Légion belge sera arrêtée en août 1942, alors qu’elle photographiait des batteries antiaériennes récemment installées…
En couverture, sous un vent automnal de feuilles mortes, une fratrie semble vaillamment tenir bon, malgré la présence menaçante de l’étendard nazi. Les regards tournés vers le hors champ gauche traduiront tour à tour l’angoisse, le bonheur passé envolé ou les années d’enfance… Explicite, le sous-titre « Femmes en résistance pendant la Seconde Guerre mondiale » contextualise l’album, dans la lignée de précédents titres procédant de la même volonté intergénérationnelle. Citons ici « Ma Guerre » (Tiburce Oger, Rue de Sèvres 2017), « Les Enfants de la liberté » (Marc Lévy et Alain Grand, Casterman 2014), « Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIb » (Tardi, Casterman 2012), « Ouvrier, mémoire sous l’Occupation » (Bruno Loth, La Boîte à bulles 2012) ou « Le Carnet de Roger » (Florent Silloray, Sarbacane 2011). Graphiquement inspirée par l’école de Marcinelle (de Franquin à Peyo) mais également par Hergé, F’Murrr, Brétecher ou Le Gall, Flore Balthazar sait composer des planches fluides et lisibles, où les couleurs directes (prédominance des bruns et verts de gris) permettent d’alterner entre gravité et relative insouciance.
Glissant des faits réels vers la fiction, l’autrice explique : « Le journal de Marcelle a été une référence, sa reconstitution a été minutieusement respectée, jusque dans les dialogues. Mais il y a tout de même un travail d’adaptation. Puisque l’on passe d’un format à un autre, le langage est différent. Ma recette a donc été de mélanger des souvenirs de familles à des faits réels, transformés, comme le personnage de Marguerite Clauwaerts, inspiré de la résistante belge Marguerite Bevoets. [...] Je devais choisir où trahir, tordre l’Histoire. J’ai toujours été fidèle à la partie famille ». Les Balthazar apparaissent sous leurs vrais noms d’ailleurs. Il n’y a que des détails qui sont modifiés pour ce versant. [...] » Étalé sur 36 mois, le travail de l’autrice aura en outre nécessité un important temps de recherche documentaire (vie sous l’occupation, habits, alimentation, bâtiments, etc.) qui rejoint le souci du détail croisé sur de précédentes réalisations (« Frida Kahlo » en 2015 pour Delcourt, sur un scénario de Jean-Luc Cornette). On en retiendra la description très humaniste d’une époque pas si lointaine, où la flamme de l’humanité a vacillé – telles ces silhouettes dessinées en couverture – mais ne s’est jamais éteinte.
Pour être complet, signalons enfin l’édition spéciale de « Les Louves » (version proposée sous une couverture alternative, limitée à 777 exemplaires avec frontispice inédit, numéroté et signé, imprimé sur papier d’art) ainsi que l’exposition actuellement consacrée au centre d’archives Daily-Bul & Co de La Louvière (24 février au 15 avril 2018). La collection Aire libre s’enrichit d’une nouvelle pépite !
Philippe TOMBLAINE
« Les Louves » par Flore Balthazar
Éditions Dupuis (18,00 €) – ISBN : 978-2-8001-6778-7
« Les Louves » édition spéciale par Flore Balthazar
Éditions Dupuis (32,00 €) – ISBN : 9791034730179