Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
Lire la suite...« Conan le Cimmérien T1 : La Reine de la côte noire » par Pierre Alary et Jean-David Morvan et « T2 : Le Colosse noir » par Ronan Toulhoat et Vincent Brugeas
Jusqu’ici, le personnage de « Conan », imaginé par l’Américain Robert E. Howard en 1932 s’incarnait doublement pour les fans. Soit au travers du film (culte !) de John Milius, magnifiant les biceps d’Arnold Schwarzenegger (« Conan le Barbare », 1982), soit via l’adaptation graphique signée par Roy Thomas et John Buscema dans les années 1970 et 1980. Rajoutons à cela les immanquables illustrations de Frank Frazetta. Las ! Mettant de côté ces loupes volontiers déformantes, les éditions Glénat lancent ce mois-ci un vaste chantier pour retrouver tout le sel de ce pilier de l’heroic-fantasy : au programme, deux albums et quatre auteurs, tous coachés par Jean-David Morvan (initiateur de la collection) et Patrice Louinet, lequel avait notamment dirigé l’édition intégrale en trois tomes de « Conan », publiée chez Bragelonne en 2008. Pour l’heure et dans les années futures, près d’une quinzaine d’ouvrages sont déjà prévus, et pas des moindres…
Désormais inscrit au panthéon de la pop-culture, « Conan » apparaît très officiellement au sein de la revue pulp Weird Tales en décembre 1932, avec la première aventure mettant en scène « Conan le Cimmérien » : « The Phoenix on the Sword » (en français, « Conan le libérateur »). En raison de l’engouement, Howard s’attellera à d’autres récits : 21 histoires seront publiées jusqu’à sa mort dramatique – un suicide – en juin 1936. Plusieurs auteurs poursuivront son Å“uvre, dont Lyon Sprague de Camp (1907 – 2000), complétant la saga aux limites du pastiche, de la censure et de la réécriture, altérant assez amplement l’esprit initial. Rappelons que si Conan n’a jamais été proposé sous le titre de « Barbare » mais bien de « Cimmérien », c’est parce que ce héros évolue dans un passé mythique (l’âge hyborien, situé après la chute de l’Atlantide et avant l’émergence de Sumer ou de l’Égypte antique) aux confins de la Cimmérie, entre Crimée, Mer Noire et Balkans actuels. Tour à tour aventurier, mercenaire, roi et voleur, Conan raconte – dans l’esprit d’Howard – ses exploits dans le désordre le plus complet : comme si le personnage se rappelait son existence, assis à une table dans une taverne au soir de sa vie ; bien loin donc de l’esprit de saga ou de cycle complexe, à la manière du « Seigneur des Anneaux »… Rappelons aussi la collection de 70 albums proposés récemment par Hachette et Panini (voir l’article) afin de redécouvrir toute une série qui aura largement influencé le jeu de rôle (« GURPS Conan » par Peter Jackson en 1989), le jeu de société (le jeu de cartes en 2011 ou « Conan » édité par Monolith en 2015), le dessin animé (« Conan l’aventurier » en 1992), le jeu vidéo (dès 1984 ; « Conan Exiles » en 2018) et donc le cinéma (« Conan le destructeur » par Richard Fleischer en 1984, « Conan » de Marcus Nispel en 2011).
Ce découpage de l’œuvre en nouvelles quasi indépendantes et non chronologiques a grandement facilité l’entreprise initiée par Glénat depuis le printemps 2015. Aux auteurs (aussi nombreux que patients !), il fut donc initialement et logiquement demandé de choisir le texte le plus à leur goût. Conseillés par Patrice Louinet, Jean-David Morvan et Pierre Alary (auteur de « Belladone » ou du récent « Mon traître ») optèrent ainsi pour « La Reine de la côte noire ». Comportant un premier chapitre introduisant rapidement le personnage, cette célèbre nouvelle permettait une entrée en matière des plus efficaces : poursuivi pour avoir tué un juge, Conan trouve refuge sur un navire marchand. Mais peu de temps après avoir appareillé, le Cimmérien et ses nouveaux compagnons doivent faire face à une menace : les pirates de la légendaire Bêlit, autoproclamée Reine de la Côte Noire ! Laquelle ne tarde pas à voir dans le Cimmérien le roi pirate qui mènera ses hommes à la gloire… Un récit jugé incontournable pour tout comprendre du caractère épique de Conan.
En guise de deuxième choix et de deuxième équipe, nous retrouverons avec plaisir le duo de choc composé par Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat. Récemment mis à l’honneur via « Le Roy des Ribauds T3 » (Akileos, 2017) et « Ira Dei T1 » (Dargaud, 2018) les deux auteurs ont sélectionné d’un commun accord « Le Colosse noir » : devenu l’un des mercenaires du général Amalric, Conan mène une vie d’homme de troupe ordinaire, buvant et batifolant dans les tavernes. Le destin le rattrape lorsque la princesse Yesmala fait de lui le seul espoir du royaume : soit l’homme devant mener ses armées contre les hordes démoniaques du sorcier Nathok… Un choix narratif et graphique imposant ses propres défis, telle cette spectaculaire séance guerrière de 15 pages mettant en scène les batailles rangées annoncées par le pitch !
Déroulant l’esprit feuilletonesque, la saga « Conan le Cimmérien » annonce d’ores et déjà son ambitieux programme. Deux autres titres paraîtront en septembre et novembre 2018 : « Au-delà de la rivière noire » par Mathieu Gabella et Anthony Jean ; « La Fille du géant du gel » par Robin Recht. Ils seront précurseurs des futurs albums proposés au rythme de chaque trimestre. Ces derniers seront réalisés notamment par les auteurs Luc Brunschwig/Étienne Le Roux (« La Citadelle écarlate »), Régis Hautière/Oliver Vatine/Didier Cassegrain (« Les Clous rouges »), Virginie Augustin (« Chimères de fer dans la clarté lunaire ») et Park Jae Kwang/Sylvain Runberg (« Le Peuple du Cercle noir »).
Précisons enfin que chaque album de 46 pages, déjà enrichi d’un cahier bonus de 8 pages, verra sa sortie doublée par une édition noir et blanc plus que conséquente (63 pages) : en guise de bonus, des articles explicatifs de Patrice Louinet, un making-of, des préfaces et hommages graphiques… De quoi ravir amplement les fans et collectionneurs férus du genre, prêts à découvrir une riche palette de représentations graphiques.
Philippe TOMBLAINE
« Conan le Cimmérien T1 : La Reine de la côte noire » par Pierre Alary et Jean-David Morvan
Éditions Glénat (14,95 €) – ISBN : 978-2-344-01196-6
Version collector noir & blanc
Éditions Glénat (29,50 €) – ISBN : 978-2344029503
« Conan le Cimmérien T2 : Le Colosse noir » par Ronan Toulhoat et Vincent Brugeas
Éditions Glénat (14,95 €) – ISBN : 978-2-344-01247-5
Version collector noir & blanc
Éditions Glénat (29,50 €) – ISBN : 978-2344029503
Il serait bienvenu d’apprendre la différence entre un film « classique » et un film « culte ». Un film dit culte est un film qui n’a pas marché à sa sortie mais qui a rassemblé au fil des années un petit nombre de fanatiques acharnés. Tout le contraire du Conan de Milius.
L’un n’empêche pas l’autre : un film culte désigne aujourd’hui autant un film d’initié qu’un film (tel les Star Wars) entré dans la culture de masse. Le Conan de 1982, en grande partie éreinté par la critique et qui n’avait pas obtenu des scores faramineux au box office (70 millions dans le monde entier) malgré un nombre de spectateurs raisonnables (1,8 million d’entrées en France, à une époque où Mad Max 2 – à titre de comparaison – en enregistrait 3,6 millions) obtiendra ce bel et bien ce statut de « culte » dans les décennies suivantes.