La revue Carnets d’ailleurs, sous-titrée à juste titre Voyages dessinés et garantie sans IA, a publié son premier fascicule en février dernier. Depuis, trois autres numéros sont parus – dont le tout dernier (décembre 2024/février 2025) -, avec toujours la même ambition : donner aux carnets de voyage(s) toute leur place et « montrer le monde avec l’œil bienveillant des carnettistes les plus talentueux de France et d’ailleurs »…
Lire la suite...« Le Dernier Atlas » : de la guerre des gangs à la guerre des mondes…
À Nantes, Ismael Tayeb est un petit truand qui doit effectuer pour le grand patron une mission d’envergure : trouver une pile nucléaire. Pour cela, il ambitionne de remettre en fonction le dernier Atlas, l’un de ses immenses robots français employés sur les chantiers de construction jusque dans les années 1970, date où pris fin la guerre d’Algérie. Dans cet univers alternatif, un phénomène écologique et sismique vient bouleverser l’équilibre mondial : abandonné en Inde, l’Atlas pourrait bien être le seul moyen de combattre cette menace inattendue… Nouveau récit fleuve initié par Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval, « Le Dernier Atlas » s’ancre avec maturité dans le réel sous un couvert science-fictionnel feuilletonesque.
Annoncé depuis 2017 par Fabien Vehlmann (« Seuls », « Spirou et Fantasio »), ce projet dense comportera au final trois tomes de 200 pages, chacun étant divisé en épisodes dignes des séries télévisées actuelles. Réalisé avec Hervé Tanquerelle (dessin), Fred Blanchard (découpage, design des robots et véhicules) et Laurence Croix (couleurs), l’album est également proposé en version limitée à 1000 exemplaires sous la forme de 10 fascicules (le premier en noir et blanc est gratuit) distribués par les libraires aux seuls heureux inscrits préalables (cf. http://www.ledernieratlas.com/ : inutile de se précipiter, l’opération marketing est déjà achevée !). Chacun de ces fascicules arbore en couverture le portrait d’un des principaux protagonistes du « Dernier Atlas » : Tayeb (le bandit au sang-froid qui rêve de piloter un grand robot), le parrain international Jean Legoff (surnommé Dieu le Père, craint de tous), la journaliste d’investigation Françoise Halfort ou encore (pour le fascicule n° 7) l’ex-ingénieur Roland Fabre, éternel sympathisant de l’OAS.
Comme l’expliquent Fabien Vehlmann et Fred Blanchard, l’idée de départ était « celle d’un robot géant affrontant une menace gigantesque », inscrite « dans le contexte le plus crédible possible » évitant « la schématisation du monde opérée dans certains films ou BD » afin de « se réapproprier des thèmes qui ont infusé la culture mondiale ». Outre les renvois référentiels au roman « La Guerre des mondes » (H. G Wells, 1898), à l’univers BattleTech (1985), à l’animé « Géant de fer » (Brad Bird, 1999 ; voir notre article dédié) ou à la saga « Transformers » (5 films depuis 2007), « Le Dernier Atlas » est un récit de genre qui joue avec l’histoire sous l’angle uchronique, tout en revisitant le mythe de la France gaullienne. Décor déterminant des événements de ce premier opus, l’Algérie permet par ailleurs d’aborder un héritage politique complexe : alors que les pères d’Hervé Tanquerelle et Fabien Vehlmann ont participé au conflit, les scénaristes ont tenu à rappeler les errements de l’esprit colonial. « Vouloir dominer, envahir pour s’accaparer des richesses, reste une question très contemporaine » ajoute Vehlmann. L’uchronie nous interroge assurément : et si ? Que serait-il advenu du monde si, dans les années 1960, le général de Gaulle avait véritablement lancé la construction de robots nucléaires géants, destinés à reconstruire la France et, accessoirement, maintenir l’ordre en Algérie !
Polar, thriller technologique, aventure SF, histoire uchronique ou cyberpunk, « Le Dernier Atlas » est tout à la fois. En couverture, ces tensions scénaristiques se traduisent par la double figure masculine du caïd et du truand, l’arme pointée sur le héros, l’inquiétante noirceur rougeoyante de l’arrière-plan et la sombre silhouette d’un robot géant, associée aux chantiers de construction. La contreplongée (sur son visage crispé) et le regard (orienté vers le hors-champ gauche) de Tayeb n’annoncent à priori rien de bon, si l’on considère que les potentielles menaces invisibles sont plus importantes encore que celles directement illustrées ici : outre un robot immobile, l’on peut ainsi se demander sur qui (ou quoi) Legoff pointe vraiment son arme, alors que la journaliste Halfort semble observer une attitude méfiante. L’unité des personnages (et robot…) face à l’adversité sera exprimée plus frontalement en couverture de la version noir et blanc éditée par GLBD (label Canal BD). Parmi les décors esquissés – mais non retenus sur le visuel final – figurent ces cimetières dédiés aux démantèlements des vieux navires : à l’instar du plus grand d’entre eux (le port d’Alang, en Inde, où fut détruit l’ancien paquebot France), cette thématique conduit à rappeler la mondialisation Un détail évoqué par Fabien Vehlmann : « parce que, quand l’Occident n’a pas envie de s’occuper des déchets, on externalise ça. Dans la série, il sera aussi question, en filigrane, d’écologie, de gestion des énergies, de flux migratoires ». Atlas, ce Titan de la mythologie grecque condamné à porter le monde pour l’éternité, va avoir de quoi alimenter les débats au fil des pages parcourues !
Philippe TOMBLAINE
« Le Dernier Atlas T1 » par Hervé Tanquerelle, Fred Blanchard, Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval
Éditions Dupuis (24, 95 €) – ISBN : 978-2-8001-7116-6
Éditions GLBD (n. et bl. ; 34, 50 €) – ISBN : 979-1034739288
Fred Blanchard!… Quelle est sa contribution dans ce livre? Des robots en pâtes à modeler ? Et le découpage ? Quel découpage ? Vehlman, Bonneval et Tanquerelle ne savent pas faire de découpage ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
Cher Patydoc, je vous conseille de regarder le « Trait pour trait » avec Fabien Vehlmann, il explique la répartition des tâches entre les différents auteurs. LT
Bonjour . Oui je l’ai regardé bien sûr (bravo pour votre émission, plus « pro » qu’avant votre arrivée ). Mais je ne comprends pas pourquoi il y a 3 scénaristes sur une simple série à ses débuts : d’où forcément des « rendements décroissants » (pour utiliser un vocabulaire marxiste)…
Ils ne sont pas 3, mais 2 pour le scénario ! Ce que j’ai compris c’est que c’est un vieux projet initié par » Le Professeur cyclope » qui a eu du mal à voir le jour.
Excellent vivement la suite