La poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886) est manifestement intrigante. Elle n’a été reconnue comme écrivaine qu’après sa mort, sa sœur découvrant alors 1 775 poèmes qu’elle avait écrits. Cette femme de bonne famille, solitaire, indépendante, insoumise et passionnée par les mots l’était aussi par les plantes et le monde sensible qui l’entourait, comme le montre joliment « Le Jardin d’Emily » de Lydia Corry.
Lire la suite...Oh, Posy, you are really so British !
Les amateurs des romans graphiques de l’Anglaise Posy Simmonds, sortes d’hybrides entre la littérature et la bande dessinée, avec un style satirique et illustratif particulièrement exquis qui n’appartient qu’à elle, vont se régaler avec cette évocation de la détestable Cassandra Darke : une marchande d’art de 71 ans, Londonienne pur jus, méchante, égoïste, pingre, misanthrope, solitaire…
Même si elle profite du confort de sa maison à huit millions de livres à Chelsea, cette vieille teigne en surcharge pondérale est devenue un paria social… mais elle s’en moque bien.
Entre Noël et l’année passée, elle a terni la réputation d’une galerie d’art moderne du West End, qui appartenait à son ex-mari atteint d’Alzheimer et dont elle était la gestionnaire.
Elle a été reconnue coupable de fraudes, a subi des poursuites judiciaires et a été condamnée avec sursis.
À l’heure du bilan de sa vie, elle va, toutefois, se retrouver entraînée à mener une enquête criminelle par sa locataire : la fille de son ex-mari.Poursuivant ses observations opportunes sur les jeux de pouvoir entre les hommes et les femmes, Posy Simmonds propose ici une refonte contemporaine de « A Christmas Carol » de Charles Dickens, comme sa « Gemma Bovary » était, quant à elle, inspirée par le roman de Gustave Flaubert et sa « Tamara Drewe » par « Far from the Madding Crowd » de Thomas Hardy : l’acariâtre Cassandra endossant, ici, le rôle de Scrooge, personnage principal de ce célèbre conte de l’auteur d’« Oliver Twist ».L’artiste britannique nous épate une fois de plus avec sa narration originale, son sens des dialogues ou de l’observation, ses incisifs commentaires sociaux et son habilité à nous proposer, sur pratiquement 100 pages, de suaves illustrations so British, dans la lignée de celles que pouvaient exécuter ses compatriotes Ronald Searle ou Raymond Briggs !« So British » est justement le titre d’un superbe ouvrage que viennent aussi de traduire (par l’intermédiaire de Jean-Luc Fromental) les éditions Denoël Graphic.
Ce portrait intime de l’artiste, doublé d’une étude approfondie de son parcours et de ses techniques de travail, est réalisé par le journaliste, critique et historien du 9e art qu’est Paul Gravett : un opus qui se révèle être un complément indispensable à la lecture de « Cassandra Darke ».
Sur une centaine de pages, ce spécialiste incontesté de la bande dessinée du Royaume-Uni nous permet, donc, de nous attarder sur tout l’art de celle que la presse de son pays surnomme « la mère du roman graphique anglais ».
À la découverte de son imposante production, on se laisse aller à espérer les futures traductions de certaines de ses œuvres encore inaccessibles aux amateurs francophones : notamment celles publiées dans le quotidien d’information The Guardian, à l’instar de la série « The Silent Three », qu’elle réalisa à la fin des années soixante-dix.
(1) Sur Posy Simmonds, voir aussi sur BDzoom.com : « Literary Life : scènes de la vie littéraire » par Posy Simmonds, « Tamara Drewe » vue par Stephen Frears, Tamara Drewe de Posy Simmonds, Grand Prix 2009 de la Critique bande dessinée ou Plus de lectures BD du 27 octobre 2008.
« Cassandra Darke » par Posy Simmonds
Éditions Denoël Graphic (21 €) — ISBN : 978-2-207-14281-3
« So British ! L’art de Posy Simmonds » par Paul Gravett
Éditions Denoël Graphic (23 €) — ISBN : 978-2-207-14979-9