Buck Danny, Jerry Tumbler et Sonny Tuckson forment un trio inséparable depuis bientôt 80 ans. Après que la plume de Yann nous a fait découvrir les débuts du jeune Buck Danny, c’est au tour de Frédéric Zumbiehl et Patrice Buendia de nous évoquer les jeunes années de Sonny Tuckson. Une histoire pleine d’émotion, non dénuée d’humour et au délicieux parfum fleurant les années 1950, illustrée par le crayon respectueux de l’Italien Giuseppe De Luca. Nostalgie, quand tu nous tiens !
Lire la suite...L’ENVERS DES PLANCHES de Serge Carrère
Né en 1958, Serge Carrère est surtout connu pour être l’efficace dessinateur de la série «Léo Loden» qu’il réalise avec Christophe Arleston, le scénariste de «Lanfeust de Troy», aux éditions Soleil. Pourtant, ce dernier a derrière lui une carrière déjà bien fournie car il a commencé dans la BD, dès 1980, après des études d’arts plastiques à la faculté d’Aix en Provence.
 «J’ai débuté comme beaucoup de personnes en travaillant pour les fanzines puis en cherchant et développant des séries qui ont été acceptées par des éditeurs. J’ai beaucoup travaillé pour la presse à une période où cela était possible : c’était un bon tremplin pour les jeunes.» En effet, on voit ses premiers travaux humoristiques dans des revues au tirage confidentiel comme Bédésup, Dommage, Tilt, Bouduc…, puis dans des magazines comme Mikado, Circus, Pif… «J’ai toujours eu un style proche de l’école franco-belge de Spirou, même si, maintenant, j’essaie d’être un peu plus réaliste avec «Private Ghost», la série que j’anime, depuis 2001, toujours chez Soleil, avec Didier Crisse (auteur d’«Atalante» et de «L’épée de cristal»). J’en avais envie depuis longtemps et c’est, pour moi, un véritable défouloir, même si ce polar n’a pas encore trouvé le public qu’il mériterait. Le premier album est passé un peu inaperçu car il est tombé en plein pendant un changement de diffuseur et de creux au niveau des mises en place. Ceci dit, il est ressorti avec la parution du deuxième album et bénéficie maintenant d’une promotion adéquate. L’idée de cette BD vient de Crisse qui aime bien les ambiances fantastiques : c’est l’histoire d’un fantôme détective privé, en référence à des films comme «Ghost» ou «Always». Cela nous permet de travailler sur deux plans : une aventure qui se passe à notre époque avec une héroïne et, en même temps, une autre qui se déroule dans les années 1950, grâce à la technique du flash-back. Les enquêtes vont bien sûr se rejoindre et au bout de quelques albums on aura des histoires complètes incluant plusieurs intrigues imbriquées. J’ai aussi d’autres envies graphiques comme celles des personnages que j’ai créés pour la série de science-fiction «L’héritier des étoiles» dessinée avec Weissengel (aux éditions Vents d’Ouest, depuis 2006). Mais cela prend beaucoup temps ! J’ai déjà travaillé seul pour des gags en une planche et je me suis rendu compte que le travail du scénariste, c’est un gros boulot !»
Avant de connaître le succès avec «Léo Loden», Serge Carrère a accumulé les créations : «Coline Maillard» avec Patrick Cothias en 1983, «Rémi Forget» avec Alain Oriol en 1985, «Smok le clown» avec Gérard Moncomble en 1987, la reprise des «Rigolus et Tristus» avec Jean-Marie Nadaud en 1988, «Bonnie et Slide» ou «Charlotte et Mr Truc» en 1989, «Carmella» avec François Gilson ou «S.O.S. vétos» avec Faymonville en 1990, «Bromure», «Les fables de La Fontaine», «Astro BD» ou «Le roman de Renard» avec Dugomier en 1992 et 1993… Pour notre plus grand bonheur, il rencontre, en 1991, Christophe Arleston avec qui il créera les aventures d’un privé à Marseille. «Je cherchais un scénariste car j’avais l’idée d’une aventure moyenâgeuse : je voulais faire du «Johan et Pirlouit» revisité par les Monty Python ! Nous avons monté un projet, avec comme héros un gnome et un ours ivrogne, et nous l’avons présenté chez Soleil Productions. Ils ont trouvé les traits de caractères des personnages intéressants, mais ils voulaient un polar humoristique : c’est ainsi que l’ours s’est transformé en grand-père, que le petit gnome est devenu détective et que la série a été baptisée «Léo Loden» ! Le premier épisode a été pré-publié dans Le Soir (quotidien de Marseille) et cela a été une bonne accroche, dès le départ ; à Marseille, nous avons rencontré tout de suite un certain succès mais comme nous ne voulions pas être taxés de faire de la BD régionaliste, nous avons eu l’idée de faire voyager notre héros. Du coup, cela nous a bien plu et Léo Loden se retrouve, à chaque épisode, dans une ville française différente : il ira bientôt dans une île Bretonne, à Angoulême, à Bordeaux… Quand nous avons commencé la série, Arleston n’avait pas encore écrit «Lanfeust» mais il travaillait déjà comme maintenant ; c’est à dire qu’il me donne d’abord un synopsis (une idée générale de la teneur de l’histoire) puis il me fournit les pages découpées avec les dialogues et le reste par paquet de six pages, environ. C’est alors que j’en dessine quelques unes que je lui envoie aussitôt après pour qu’il se remette dans le bain : il aime bien travailler comme ça, en écho avec ses dessinateurs.»
Avec désormais 14 albums à son actif, la série «Léo Loden» de Serge Carrère est l’une des valeurs sûres des éditions Soleil. Cette série est devenue, peu à peu, un classique de la BD humoristique d’aventure ou policière que l’on peut ranger aux côtés de «Gil Jourdan», héros créé par Maurice Tillieux qui a toujours été une grande source d’inspiration pour Serge Carrère et Christophe Arleston, son scénariste (aidé depuis peu par Loïc Nicoloff sur les derniers épisodes). «Arleston m’avait proposé, au départ, que l’on situe l’action de la série à Paris ; mais cela avait été fait et refait. Comme nous habitons près de Marseille, ville à la réputation un peu sulfureuse avec son côté Borsalino, nous avons simplement regardé ce que nous avions sous les yeux. Comme Arleston a une formation journalistique et que j’aime bien moi aussi l’actualité, nous avons parlé de ce qui nous tracassait comme l’extrême droite, les sectes… Ce n’est pas parce que nous destinons nos BD à tous les publics et notamment aux enfants qu’il faut avoir un discours lénifiant ! La force des scénarios d’Arleston, comme de ceux de Tillieux ou de Goscinny, c’est qu’ils se lisent à plusieurs niveaux, alors autant en profiter. Les gamins vont prendre le côté humour tarte à la crème de certains personnages alors que les adultes comprendront les allusions politiques et historiques.» Il y a maintenant presque 10 ans, face au succès de la série, l’éditeur avait le projet de mettre en scène la jeunesse de Tonton Loco, le comparse un peu porté sur la bouteille du sympathique détective privé. «Le dessinateur choisi, Alain Julié, qui a longtemps été mon assistant, a commencé à crayonner un début d’histoire ; mais il ne s’est pas senti à l’aise. Aujourd’hui, il réalise ses propres séries et c’est aussi bien. A cette époque, je lui préparais des pages avec les tailles des cases, les perspectives, les schémas directeurs…, et je lui donnais toute la documentation… Il encrait tout ça de façon très linéaire et je faisais ensuite le lien avec mes pinceaux, sans oublier de placer les personnages aux endroits prévus. Depuis le début, il y en a toujours eu un album de «Léo Loden» par an et c’est dur de tenir le rythme ! Encore plus maintenant car j’alterne avec «Private Ghost», tout en essayant de réaliser ma petite histoire à côté.»
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Gilles RATIER