Dans les pas de Cervantès, avec un véritable et formidable roman picaresque en BD signé Guarnido et Ayroles !

Ouvrage imposant et très dense (145 pages tout en couleurs), ce qui ne l’empêche pas d’être continuellement flamboyant et truculent, « Les Indes fourbes » est le savoureux fruit de la rencontre de deux artistes aussi rares que talentueux : Juanjo Guarnido et Alain Ayroles.

Le dessinateur de « Blacksad » et le scénariste de « De cape et de crocs » ont travaillé pendant pratiquement dix ans sur cette bande dessinée au parfum ibérique, mais réalisée dans la grande tradition franco-belge.

Inspiré par la lecture d’« El Buscón », un récit du satirique et burlesque écrivain espagnol du XVIIe siècle Quevedo y Villegas que lui a fait découvrir son complice et Hispanique illustrateur, celui qui fut aussi l’habile narrateur de « Garulfo » ou de « D » (avec Bruno Maïorana) imagine la suite des tribulations de l’aventurier et vaurien Don Pablos de Ségovie. Ce dernier, débarquant en Amérique latine, raconte lui-même son fabuleux voyage à la recherche de l’Eldorado et ses promesses d’or… 

Dans ce Nouveau Monde que l’on nomme encore les Indes en ce siècle d’or, ce finalement assez sympathique filou n’hésite pas à exploiter autrui, en faisant passer sa survie avant tout ! Cette fripouille n’hésite donc pas faire ce qu’il faut pour survivre : mentir, tricher, voler, escroquer, mendier, prostituer, abuser des crédules et, à l’occasion, tuer, s’il le faut…

On sent qu’en adoptant un style semi-réaliste percutant et un registre caricatural souvent exacerbé, Juanjo Guarnido s’est régalé à soigneusement dessiner et joliment mettre en couleurs toutes ces trognes patibulaires et expressives, ces ambiances contrastées et ces innombrables scènes d’actions significatives : certains passages, vraiment spectaculaires, n’hésitant pas à se passer entièrement de texte sans que cela ne nuise en aucun cas à la narration, sur quelques fois 12 pages d’affilée.

Par ailleurs très bien documenté et élégamment écrit dans une langue vraiment maîtrisée, ce brillant récit respecte parfaitement la forme autobiographique et baroque des romans picaresques : il déborde de rebondissements, de dialogues savoureux, d’allusions culturelles et d’apparences trompeuses.

« Les Indes fourbes » nous transporte donc dans un univers inconnu et fascinant et se révèle, au bout du compte (ou plutôt du conte…), un véritable ravissement, tant sur le plan graphique que narratif, où il faut toutefois être très attentif : images et mots ne disant pas toujours la même chose… Car, finalement, en ce bas monde, tout n’est que faux semblants, tromperies et fourberies…

Gilles RATIER 

(1)            Sur Alain Ayroles, voir, parmi nos récentes chroniques : « De cape et de crocs T11 : Vingt Mois avant » par Jean-Luc Masbou et Alain Ayroles, « D T3 : Monsieur Caulard » par Bruno Maïorana et Alain Ayroles, Dernier acte pour « De Cape et de crocs »

(2)            Sur Juanjo Guarnido, voir, parmi nos récentes chroniques : Juanjo Guarnido se (re)lance dans le dessin animé…,« Blacksad » on the road …,  « Blacksad T4 : L’Enfer, le silence »

« Les Indes fourbes » par Juanjo Guarnido et Alain Ayroles

Éditions Delcourt (34,90 €) — ISBN : 2 756 035 734

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>