C’est avec exigence qu’Emmanuel Moynot construit, depuis une quarantaine d’années, une riche carrière où se côtoient des albums classiques (sa reprise de « Nestor Burma », par exemple) et des one-shots aux motivations plus ambitieuses, tel le présent album. Un polar noir et cynique où il établit avec force détails le parallélisme entre le quotidien des babouins africains et le comportement parfois violent de certains individus de notre monde contemporain.
Lire la suite...Dernier concert pour « Jazz Maynard »…
Il est des héros que l’on retrouve toujours avec plaisir, un peu comme de vieux amis que l’on ne sait jamais très loin. C’est le cas de Jazz Maynard, pas vraiment un garçon recommandable et pourtant tellement attachant avec ses cheveux fous, sa longue silhouette… et surtout sa trompette qu’il sait si bien faire vibrer. Cette septième rencontre avec ce héros insolite risque, hélas, d’être la dernière…
Après leur long séjour pas vraiment paisible en Islande où ils avaient fui les ennuis judiciaires loin de leur chère Barcelone, Jazz et Teo sont enfin de retour en Espagne. Jazz s’apprête à sortir son premier album qu’il doit présenter sur la scène de la Cave Canem restaurée pour l’occasion. Il évoque non sans humour ses souvenirs de famille à Lucia son amie journaliste, il serait le descendant de Buffalo Bill, lorsqu’il apprend que l’oncle Raimundo a été tué au cours d’un hold-up perpétré par quatre voyous en fuite. Judas, son ami d’enfance, en fait une affaire personnelle et demande à Jazz et Teo de se lancer en sa compagnie sur la piste des jeunes malfrats planqués dans leur quartier d’El Raval. Lui qui se croyait guéri des braquages et des règlements de comptes entre mafieux retrouve les gestes de ses années de délinquance. Une traque sanglante commence, conduite par un Judas incontrôlable, bien décidé de se venger à sa manière expéditive de ceux qui ont tué leur vieux mentor. Une nouvelle fois hors la loi, Jazz Maynard risque fort de vivre sa dernière aventure…
Mouvementé et violent, le scénario de Raule utilise de judicieux flash-back pour raconter le passé de Jazz et de sa famille tout en gardant un œil sur le présent où il ne ménage pas son personnage. Les nombreuses séquences d’action aux images éclatées, aux couleurs sombres, au trait dynamique et vivant, apportent crédibilité et puissance à une intrigue riche et implacable. Seule lueur d’espoir, la séquence finale, bien que dramatique, laisse une porte entre ouverte à un retour du héros. Pour les auteurs ce septième album est celui de la maturité. Raule et Roger possèdent une parfaite maîtrise de leurs personnages qu’ils entraînent dans une intrigue dense aux rebondissements incessants qui, l’ouvrage achevé, laissent le lecteur épuisé, mais enchanté.
Né en 1971 à Barcelone, élève de l’école Joso, Raul Anisa Arsis dit Raule, publie ses premiers travaux en 1995 après avoir collaboré avec des fanzines. En France, il signe « Jazz Maynar » pour Roger à partir de 2007, puis « Isabellae » pour Gabor aux éditions du Lombard, « L’Art de mourir » pour Philippe Berthet et enfin « Arthus Trivium » pour Juan Luis Landa de nouveau chez Dargaud. En Espagne, Raule est considéré comme un grand spécialiste du polar.
Roger Ibanez Ugena né en 1977 fréquente lui aussi l’école Joso avant de publier ses premières BD dans des fanzines. En 1993, il travaille pour les éditions Norma, puis livre des BD érotiques dans Penthouse Comix puis aux États-Unis sous le pseudonyme Nono. Ses premiers travaux avec Raule lui permettent de débuter « Jazz Maynar ». Il est également le dessinateur de « Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre qui donc lui reprisait ses chaussettes ? » une histoire insolite de Zidrou elle aussi publiée chez Dargaud. Considéré à ses débuts comme un adepte de la nouvelle ligne claire espagnole initiée par Daniel Torres, il a évolué vers un trait plus sombre aux mises en pages éclatées redoutablement efficaces.
Henri FILIPPINI
« Jazz Maynard T7 : Live in Barcelona » par Roger et Raule
Éditions Dargaud (14 €) _ ISBN : 9 782505 070986
Une bonne série policière assez atypique. Maintenant, pourquoi écrivez-vous; « Cette septième rencontre avec ce héros insolite risque, hélas, d’être la dernière… »
Laissez le héros dans un état hasardeux à la fin d’un album est un chose, cloturer une série parce qu’elle ne se vend pas assez en est une autre (j’espère juste qu’elle ne subira pas le même sort que l’excellent Artus Trivium). Si vous avez des infos à ce sujet….