Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...Jose Luis Munuera adapte, magistralement, un étonnant récit d’Herman Melville…
En rajoutant une touche supplémentaire de réalisme à son dynamique et si particulier graphisme cartoonesque — comme il l’avait déjà plus ou moins expérimenté sur « Sortilèges » (écrit par Jean Dufaux) ou « Fraternity » (scénario de Juan Diaz Canales), le dessinateur espagnol Jose Luis Munuera s’est emparé avec grâce de l’histoire de Bartleby : une nouvelle de l’auteur de « Moby Dick » écrite en 1853, plusieurs fois interprétée au cinéma ou au théâtre, et qui a également inspiré nombre d’artistes, de sociologues et de philosophes.
À Wall Street, au milieu du XIXe siècle, alors que la bureaucratie et le capitalisme new-yorkais entrent dans l’adolescence, un sympathique notaire embauche un nouveau copiste au bon profil de gratte-papier : aussi poli et soigné que terne, émacié et transparent. Il rejoint alors une équipe farfelue de scribes aux rendements variables selon l’heure de la journée et l’état de fraîcheur. Chargé de copier avec application des actes juridiques, Bartleby montre une efficacité redoutable, jusqu’au jour où le morne et irréprochable besogneux va entamer une résistance passive vis-à-vis des tâches à l’utilité relative consignées par son employeur, lequel étale son impuissance à gérer cette situation inédite.En fait, son employé ne lui dit jamais vraiment non, mais il n’obéit pas, répondant aux ordres donnés par un systématique et laconique « Je préférerais ne pas le faire » : un invariable et d’une douceur irrévocable « I would prefer not to » dans la version originale, paroles positives (mais avec une possible négation) que Munuera transcrira très vite par « je préférerais pas ».Désormais, cette attitude obsède le patient notaire qui voit son quotidien rassurant dérailler à cause de ce rebelle immobile. D’autant plus que la situation devient carrément ubuesque, car faisant seulement acte de présence pesante, Bartleby s’approprie aussi les lieux et vit jour et nuit dans son bureau : le clerc — comme l’avait été Melville — « ne préférant pas » être congédié, c’est l’étude du notaire qui va être obligé à déménager dans de nouveaux locaux…Oscillant entre le plaisir à jouer avec le comique de situation et la compassion pour ces pathétiques personnages pathétiques, le virtuose dessinateur des « Campbell », de « Zorglub » ou d’un récent épisode des « Tuniques bleues » (1) magnifie cette intelligente et stimulante réflexion sur l’obéissance et l’immobilisme qui préfigure l’univers de Kafka : une source éternelle de réflexion !Un mot enfin sur les incroyables couleurs de Sedyas (Sergio Román, un compatriote du dessinateur) qui amplifient la curieuse atmosphère, à la fois pesante et amusante, de ce chef-d’œuvre de la littérature qui a trouvé ici, grâce à la formidable mise en scène de Jose Luis Munuera, un nouveau et idéal écrin.
(1) Sur Jose Luis Munuera, voir par exemple : En 2020, « Les Tuniques bleues » sont toujours d’attaque !, « Les Campbell T5 : Les Trois malédictions » par Jose Luis Munuera, « Zorglub T1 : La Fille du Z » par Jose Luis Munuera, Zorglub : héros à part entière !, « Les Campbell T1 : Inferno » par José Luis Munuera, « Fraternity » T1 par J. L. Munuera et J. D. Canales… « Bartleby, le scribe » par Jose Luis Munuera, d’après Herman Melville
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