Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
Lire la suite...Au Mexique, corps et armes : un acte III épicé pour « Charlotte impératrice » !
Lorsque l’intrigue commence, le régime de Maximilien, installé empereur du Mexique, est de plus en plus menacé par le républicain Juárez, alors que l’armée de Napoléon III, principal soutien du régime impérial, s’apprête à quitter le pays. Max — longtemps absent — rentre, et Charlotte vient à sa rencontre : elle a tenu son rang en représentant l’État et les intérêts du régime. Maximilien lui fait part de sa volonté d’avoir une descendance, malgré sa maladie… honteuse et contagieuse. Par la suite, elle visite le pays et se confronte à ses dangers, ainsi qu’à sa magie vénéneuse — réelle ou rêvée —, comme l’illustre la couverture. Un troisième acte tendu, entre géopolitique et exotisme, une nouvelle fois maîtrisé et graphiquement superbe.
L’album s’ouvre sur une légende — distillée en parallèle de l’intrigue de l’album —, laquelle évoque une vieille femme qui rêve d’avoir un enfant, promis à  une grande destinée. La comtesse de Zichy, conseillère de Charlotte et experte en relations de toutes sortes, la conseille devant l’alternative dictée par la maladie de Max : l’impossibilité d’avoir d’un enfant viable ou le recours à un autre géniteur. Très déçue par son époux, Charlotte a l’intention de se tourner vers Alfred van der Smissen : son aide de camp, militaire de confiance, tout dévoué à sa cause…
Max restant à Mexico, Charlotte va circuler au Yucatan pour continuer à représenter l’Empire. Dans la touffeur de la forêt, sur le chemin d’une pyramide très ancienne, ces contrées exotiques lui donnent le vertige. Peu après, elle apprend la mort de son père, Léopold, et ses rêves se peuplent de visions hallucinatoires. Cependant, l’insurrection progresse ; venant visiter le père Rafael, son vieux confesseur, Charlotte apprend qu’il est en prison, comme opposant au régime. L’Histoire est en marche, mais Charlotte doit mener sa vie et aller au bout de ses choix…
Ce tome 3, dénommé « Acte III » comme dans un drame, est dans la lignée — excellente, et prenante ! — des précédents, mais plus sombre, et grave, comme l’illustrent la première planche avec le reptile et les nombreuses scènes de nuit. Le ciel s’assombrit pour Charlotte : son époux toujours plus déphasé, la mort de son père, la révolution aux portes…Végétation sauvage, temples anciens ou auberge glauque, tout ici est magnifiquement rendu par Matthieu Bonhomme. Çà  et là , on surprend Charlotte rêvant… ses yeux verts pouvant devenir noirs l’instant d’après.
La nouveauté de ce tome 3, outre cette forêt étouffante, consiste en visions de diables mexicains, avec leurs crânes et leurs plumes caractéristiques. L’album consacre un nombre important de planches à la longue scène de la geôle du père Rafael, aux cases et aux couleurs resserrées.
Un peu plus long que les précédents (74 planches) — et d’ailleurs coupé par Bonhomme qui laissait aller sa gourmandise [voir son interview dans CaseMate de mai 2023] —, l’album repose sur une solide trame historique et se lit très agréablement, sans que se relâche l’attention.
Le dessinateur multiplie les points de vue, tout en conservant la lisibilité, et avec force : que ce soit dans les grandes scènes spectaculaires ou dans celles plus intimistes : une éclatante réussite !
Patrick BOUSTER
« Charlotte impératrice T3 : Adios, Carlotta » par Matthieu Bonhomme et Fabien Nury
Éditions Dargaud (17 €) — EAN : 978-2-205-20329-5
Éditions Dargaud/Canal BD (20,50 €) — EAN : 978-2-205-20873-3, pour l’édition noir et blanc, tirage limité à  1 400 ex., avec couverture différente et cahier graphique de huit pages