C’est avec exigence qu’Emmanuel Moynot construit, depuis une quarantaine d’années, une riche carrière où se côtoient des albums classiques (sa reprise de « Nestor Burma », par exemple) et des one-shots aux motivations plus ambitieuses, tel le présent album. Un polar noir et cynique où il établit avec force détails le parallélisme entre le quotidien des babouins africains et le comportement parfois violent de certains individus de notre monde contemporain.
Lire la suite...« Habibi » par Craig Thompson
Après son magnifique et imposant « Blankets » (magistrale autobiographie traitant de l’éducation chrétienne et des amours adolescentes, laquelle fut consacrée par le Grand Prix de la Critique lors de sa publication dans cette même collection « Ecritures » des éditions Casterman, en 2004) on attendait l’Américain Craig Thompson au tournant !
D’autant plus que l’ouvrage qu’il avait publié un an plus tard (« Un Américain en balade », sorte de carnet de voyage où il témoignait déjà de son intérêt pour le monde arabe) n’avait suscité que peu d’enthousiasme, laissant même la plupart de ses inconditionnels un peu sur leur faim.
Ils seront tous rassurés avec « Habibi », ouvrage de six cent soixante-dix pages qui se révèle être d’une autre puissance, tant sur le plan narratif que sur celui de l’esthétisme. Cette riche œuvre fleuve, située dans un pays imaginaire du Moyen-Orient, est même un modèle d’humanisme et de pédagogie théologique : on y apprend quantité d’éléments constructifs sur l’histoire des religions et sur le Coran, sans que ce soit pénible à la lecture…
Alors qu’elle n’était qu’une enfant de neuf ans, Dodola a été vendue à un scribe d’âge mûr qui lui a appris à lire et à écrire. Son époux va également lui donner de solides notions qui lui permettront de s’imprégner au mieux des leçons tirées du Coran ; mais il est assassiné par des maraudeurs qui l’enlèvent et la vendent comme esclave. Elle réussit quand même à s’enfuir, avec un nouveau né noir abandonné qu’elle rebaptise Habibi ; et qu’elle va élever dans l’épave d’un bateau, en plein désert, en lui racontant mille et une histoires pour assurer son éducation…Et ce n’est que le début de cet orientaliste récit onirique, truffé de références érudites et de mosaïques ou calligraphies arabesques, où l’auteur décortique la religion musulmane pour mieux souligner ses similitudes avec les religions et les cultures occidentales.
Au final, on obtient un touchant et chaleureux roman graphique gigogne, qui joue autant sur la complémentarité que sur la dualité, et que l’on peut résumer avec un seul mot : capital !
Gilles RATIER pour bdzoom.com
« Habibi »par Craig Thompson
Éditions Casterman (24,95 €) – ISBN 978-2-203-00327-9