Après deux ans d’absence, Mathieu Lauffray conclut le cycle « Raven » avec ce copieux (84 pages) troisième volume. Dans la lignée de son « Long John Silver », scénarisé par Xavier Dorison, le dessinateur — qui sait si bien mettre en scène pirates, mer déchaînée, ambiances gothiques ou menaçantes — revient en soignant son final.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES N°53 DU 18 OCTOBRE 2004
Pour ne pas passer à côté d’albums méritoires qui risquent d’être perdus dans l’immense océan des nouvelles parutions BD, une seule solution : lire «Plus de lectures», votre rubrique régulière du lundi, avec, cette semaine : « Gibier de potence T.3 : Six secrets » par Fabrice Jarzaguet, François Capuron et Fred Duval aux éditions Delcourt, « Belladone T.1 : Marie » par Pierre Alary et Ange aux éditions Soleil, « Passage Afghan » par Ted Rall aux éditions La Boîte à Bulles, « Same difference » par Derek Kirk Kim aux éditions Six Pieds sous Terre et « Louis Riel l’insurgé » par Chester Brown aux éditions Casterman.
« Gibier de potence T.3 : Six secrets » par Fabrice Jarzaguet, François Capuron et Fred Duval
Editions Delcourt (12,50 Euros)
Constituée de cycles courts en 2 ou 3 tomes, la saga des Granger, grande famille de planteurs du Sud des Etats-Unis ruinée et endeuillée par la guerre de Sécession, se poursuit avec cette passionnante nouvelle histoire qui devrait se clôturer avec le prochain album. Shannon et Natanaël sont toujours recherchés par des chasseurs de primes après avoir réussi à échapper à la brigade rouge du colonel Lopeman. De son côté, ce dernier a pour mission de comprendre pourquoi le tracé d’une future ligne de chemin de fer a été modifiée : réponse au prochain épisode… Fred Duval et François Capuron sont des passionnés de westerns et ils réussissent ici à nous communiquer leur enthousiasme pour ce genre codifié à l’extrême mais qui fût le cadre de nombreux chef-d’œuvres cinématographiques ou bédéphiliques. La narration de Fred Duval est de plus en plus fluide et ses dialogues sonnent justes : ce scénariste est en grand progrès ! Quant au graphisme très comics US (tendance super-héros) de Fabrice Jarzaguet, il est lui aussi de plus en plus convaincant… Bref, voilà une série populaire, pas prétentieuse pour un sou, qui pourrait bien devenir incontournable !
« Belladone T.1 : Marie » par Pierre Alary et Ange
Editions Soleil (12,50 Euros)
Espérons qu’avec cette nouvelle série de cape et d’épée (qui sent bon les feuilletons romanesques d’Alexandre Dumas, de Théophile Gauthier ou de Michel Zévaco), Pierre Alary va enfin rencontrer le succès qu’il mérite car ses précédents travaux («Griffin Dark» avec Crisse sous le pseudonyme de Stanley ou «Les échaudeurs des ténèbres») n’avaient pas été récompensés, tant au niveau des critiques qu’au niveau des ventes, à leur juste valeur. Le (ou plutôt «les») prolifique scénariste Ange s’est associé à ce talentueux dessinateur pour nous narrer les aventures rocambolesques d’une jeune agent secret d’origine orientale, au service du roi, dans l’énigmatique Paris de la fin du XVIIème siècle. L’histoire est pleine d’action et de péripéties passionnantes mais on regrettera les trop nombreuses libertés prises avec la réalité historique. Espérons que le prochain tome de cette série prometteuse et fort agréable à lire, tiendra compte de nos petites réserves !
« Passage Afghan » par Ted Rall
Editions La Boîte à Bulles (13,50 Euros)
Après «Le photographe» de Guibert, le «Rural» de Davodeau et les «Palestine» ou «Gorazde» de Joe Sacco, voici un nouveau reportage en BD mais traité, cette fois-ci, sur un mode à la fois humoristique et intimiste. C’est en effet sous forme d’un pamphlet anti-Bush de 48 pages (composées de quatre ou six images), agrémenté de dessins d’humour, de photos et de chroniques, que le journaliste américain Ted Rall a finalement rendu sa copie : compte-rendu de son voyage en Afghanistan en novembre 2001 pour le compte du magazine new-yorkais Village Voice. N’épargnant ni les troupes américaines ni les Talibans et les afghans en général tout en axant son discours sur la désorganisation et la corruption régnant dans ce pays, l’auteur y décrit ses conditions de travail et sa peur devant ce qui va l’amener à fuir cette région : l’insécurité générale… Intéressant !
« Same difference » par Derek Kirk Kim
Editions Six Pieds sous Terre (13 Euros)
Cet auteur américain d’origine coréenne signe ici un ouvrage qui se place dans la continuité des travaux réalisés par les meilleurs représentant de la nouvelle vague des comics indépendants : Adrian Tomine, Craig Thompson, Tom Hart ou Dan Clowes. Il nous raconte l’oisiveté et les espoirs de deux amis d’une vingtaine d’années qui se retrouvent confrontés aux conséquences d’un petit mensonge émis lors d’un épisode peu glorieux de leurs années de lycée. Ceci est le prétexte à de nombreuses histoires entremêlées qui oscillent entre drames et comédies ! Il faut reconnaître à Derek Kirk Kim une narration solide et efficace, une mise en scène cinématographique et un dessin qui utilise le meilleur du manga et d’une certaine BD littéraire européenne. Pas étonnant que ce premier ouvrage ait déjà reçu de nombreux prix aux Etats Unis (dont un Harvey et un Eisner Award) ! L’adaptation française, fort bien réalisée, devrait également séduire amateurs et critiques !
« Louis Riel l’insurgé » par Chester Brown
Editions Casterman (15,75 Euros)
Jusqu’à présent, ce que l’on a pu lire de Chester Brown en français, c’est à dire «Le playboy» et «Je ne t’ai jamais aimé» aux éditions québécoises Les 400 coups, s’apparentait aux graphismes libérés de la génération « Nouvelle BD ». On le retrouve dans un style complètement différent, très ligne claire mais réalisé, en fait, en hommage au «Little Orphan Annie» d’Harold Gray (une série américaine créée en 1924 qu’il faudrait bien que l’on nous réédite en France un de ces jours) avec cet épisode de l’Histoire du Canada : le combat de Louis Riel, leader francophone pour le droit des minorités métisses. Ce conflit, parti d’une simple réaction devant la décision autoritaire de l’intégrer à la collectivité des états du Canada sans lui avoir demandé son avis, a rapidement dégénéré de façon violente. Louis Riel, chef de file révolutionnaire qui est aussi un illuminé de première, est arrêté et mis à mort en 1885, devenant le symbole de l’oppression des anglophones. On retrouve dans cette méticuleuse reconstitution les préoccupations de l’auteur : les injustices de l’autorité, le mince filet qui sépare la ferveur religieuse de la démence… : 250 pages assorties d’un épais dossier rempli de notes et d’un index pour une lecture quelquefois fastidieuse mais ô combien enrichissante !
Gilles RATIER